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Vous souvenez-vous de cet enfant cubain trouvé en pleine mer au large de la Floride en 1999? Elian Gonzalez a fait l'objet bien malgré lui d'un bras de fer entre Cuba et les États-Unis. Quelques mois après son naufrage, il retournait à Cuba, où il était accueilli en héros. Il a maintenant 23 ans, et nous l'avons rencontré.
Le 25 novembre 1999, deux pêcheurs trouvent le petit Elian Gonzalez, cinq ans, seul en pleine mer, à la dérive dans une chambre à air. La mère du petit Cubain et 11 autres réfugiés de la mer ont péri dans la tempête. La saga du petit Elian a bouleversé Cuba, la Floride, les États-Unis et le monde entier.
Elian Gonzalez dans les bras de son père à leur arrivée à l'aéroport Jose Marti le 29 juin 2000 à La Havane. Photo : AFP/Getty Images/ADALBERTO ROQUE |
En juin 2000, Elian retourne à Cuba dans les bras de son père, Juan Miguel. Le jeune homme vit aujourd'hui avec sa famille dans une maison plutôt modeste à Cardenas, petite ville près de Varadero. Son père est encore barman dans un complexe hôtelier de Varadero. Elian finit ses études d'ingénieur mécanique et il compte exercer sa spécialité au sein des forces armées cubaines.
Elian Gonzalez (au centre, en jeans) en compagnie de sa famille
Photo : ICI Radio-Canada
Elian Gonzalez et son père nous ont reçus chez eux à Cardenas. Ils nous ont parlé de Fidel Castro, qui est devenu, après leur aventure, un ami de la famille. Ils le voyaient souvent. Et l'homme légendaire les visitait à l'improviste. Une sorte de grand-père des Gonzalez.
Cliquez ici pour voir le documentaire « Castro vu par ses fidèles », diffusé à l'émission Enquêteen septembre 2015.
Ils reviennent sur les événements de 2000, malgré leur réticence. Ils n'ont donné que de très rares entrevues à ce sujet. Quinze ans plus tard, Elian Gonzales a du mal à oublier le drame qui a coûté la vie à sa mère.
« C'est difficile de ne pas s'en souvenir. Mais des cauchemars? Je n'en ai pas. Je n'ai pas laissé les choses négatives m'influencer. »— Elian Gonzalez
Il raconte qu'il était tout petit et qu'il garde des images intermittentes du périple en mer. « Je me souviens quand l'embarcation s'est retournée, que je me suis retrouvé dans la mer, dans la chambre à air avec ma mère. Elle me recouvrait et je m'endormais. J'étais à moitié déshydraté. Je m'éveillais de temps en temps, j'ouvrais les yeux. À un moment donné, j'ai ouvert les yeux et je me suis retrouvé seul. Ce dont je me souviens, de la suite, je l'ai vu dans les journaux. Tout le reste, le sauvetage, le transfert à l'hôpital, je ne me souviens de rien ».
Une épreuve de force entre Washington et La Havane
Juan Miguel Gonzalez apprend que son fils est vivant. Au début, tout semble indiquer qu'il va pouvoir le récupérer. Mais des exilés anti-Castro de Miami en ont décidé autrement. Ils veulent garder l'enfant à Miami.
Fidel Castro convoque Juan Miguel. « Le 2 décembre, Fidel Castro me fait chercher; il faisait nuit. J'arrive à son bureau, où nous avons parlé jusqu'au matin. Lui aussi avait connu un cas semblable au mien. Précisément avec son fils Fidelito, qui avait le même âge qu'Elian, quand sa mère (Mirta Diaz Balart, la première femme de Castro) l'a emporté aux États-Unis. Il a dû faire la même chose que moi pour le faire revenir à Cuba. »
Le petit Elian Gonzalez en compagnie du président Castro, à Cardenas,à Cuba, en juillet 2001.
Photo : AFP/Getty Images)ADALBERTO ROQUE
Fidel Castro décide d'en faire une affaire d'État. Les Cubains se mobilisent. Les exilés de Miami aussi. Finalement les tribunaux américains, le président Bill Clinton et la procureure Janet Reno décident qu'Elian doit retrouver son père. La police doit l'enlever de force à sa famille de Miami, qui voulait le garder.
Elian Gonzalez raconte que l'opération s'est déroulée de « manière professionnelle ».
« D'abord ça a été un choc de voir arriver ces personnes. Quand ils m'ont sorti du placard, nous sommes tombés, et quand je suis arrivé à Cuba, j'avais encore des marques de la chute. Mais c'était des professionnels, avec leur stratégie militaire. Je ne savais pas s'ils parlaient espagnol ou anglais et avec le peu d'anglais que je connaissais je leur ai dit : "lâchez-moi, qu'est-ce que vous me faites?" », dit-il.
« Ils ont commencé à parler espagnol et ils m'ont dit : "nous sommes des amis de ton papa et nous allons le retrouver". Ils me l'ont passé au téléphone et ça m'a soulagé. Je crois que si j'ai réussi à éviter les séquelles et à surmonter tout ça le plus vite possible, c'est grâce au professionnalisme de ces personnes », poursuit-il.
Elian Gonzalez aimerait retourner aux États-Unis. Pas pour y vivre, c'est un bon Cubain loyal aux Castro, mais pour revoir les Américains qui l'ont aidé à l'époque.
Elian Gonzalez Photo : ICI Radio-Canada
Avant et après l'entrevue, pendant que nous filmions d'autres images, Elian, assis, ne disait rien et paraissait comme absorbé dans ses pensées. Plusieurs d'entre nous ont cru voir une certaine tristesse dans son regard.
L'aventure d'Elian a-t-elle changé la face du monde? Qui sait? L'élection présidentielle américaine de 2000 s'est jouée en Floride. Le vice-président démocrate Al Gore l'a perdue par 537 voix. Des voix de Cubains-Américains de Miami furieux de sa position et de celle du président Clinton dans l'affaire du petit Elian? C'est plus que possible. George W. Bush a été proclamé vainqueur. L'histoire du monde aurait pu être bien différente!