Annonce

jeudi, octobre 15, 2015

La poésie du grand flanc mou

http://blogues.radio-canada.ca/lafiliererezzonico/

Jeudi 15 octobre 2015 à 2 h 00 | 
Plume Latraverse en concert à la Place des Arts à Montréal (Radio-Canada)

Le spectacle se nomme Récidives, comme si Plume Latraverse était un dangereux récidiviste de la chanson. À certains égards, c’est un peu ça. Avec son nouveau spectacle acoustique, Plume persiste et signe en démontrant à quel point son répertoire est bien plus étendu que les titres qui ont fait sa renommée dans les tavernes et les festivals.
Le grand flanc mou, solide comme un chêne à 69 ans, met à nu des chansons méconnues ou carrément oubliées et il offre de nouveaux titres et des petits chefs-d’œuvre d’écriture que l’on savoure ou que l’on redécouvre. À la fin, même si nous le savions déjà, le verdict est plus limpide que jamais: Plume est un grand chansonnier épris de poésie.
Rien de tel qu’une configuration minimaliste pour faire ressortir la beauté d’une œuvre. Plume et sa guitare sèche, Greg Morency et sa contrebasse et le fidèle Jean-Claude Marsan, ancien Timononk et Mauvais compagnon, avec deux ou trois guitares : « Le trio laid », comme on pouvait le lire dans le programme et sur les t-shirts vendus à l’entrée. Admirez le jeu de mots… (triolet).
Plume et ses collègues ont rempli l’espace de la Cinquième salle de la Place des Arts avec aisance et sans artifices. Avec une pointe de nostalgie et beaucoup de respect, le grand Michel a dédié le spectacle à son ami et producteur Luc Phaneuf, récemment disparu, avant de nous plonger dans le passé avec Autrefois.
Imprévisible Plume
Qu’il soit en mouture rock ou folk, Plume demeure un artiste imprévisible. Sans heurts et très souvent en enchaînant les chansons bout à bout, le trio a passé la soirée à sauter du coq à l’âne, musicalement parlant.
La très jolie Le lac multicolore a précédé la mordante Les bleus d’la plinthe avant de conclure avecLe ramoneur, désopilante « chanson gaie », dans tous les sens du terme.
Parfois, Plume et ses collègues ont enchaîné des chansons qui ont plus ou moins la même thématique, disons. Cahin-caha (très applaudie), La chanson de JC et Les concaves ont formé un trio de choc décapant.
Avec Plume, les jeux de mots et les doubles sens pullulent. Là réside une partie du plaisir: Tango Pital (hôpital), avec ses effluves latines, Les concaves, qui parlent de cons et de caves, ou Le tapis volant, celui sur lequel couchent les amis qui vivent en commune, en sont quelques exemples. Qu’il soit drôle, irrévérencieux ou éducatif (Le fermier Jean), on ne se lasse pas de (re)découvrir les textes de Plume. Car il s’agit bien de ça. Peu importe le degré de connaissance que l’on peut avoir du catalogue apparemment sans fond de l’artiste, ce spectacle était de l’ordre de la redécouverte. La prose, les vers, l’apport mélodique… Tout. On tombe sous le charme.
Et Plume aussi prenait un réel plaisir à dépoussiérer des belles du passé, certaines jamais offertes sur scène, comme Élégie. Il a d’ailleurs remercié le public d’être venu à sa rencontre après l’interprétation de 1837.
« Merci! Ça fait des années que je veux faire ça », a-t-il lancé avec enthousiasme.
À voir la liste de supplémentaires prévues à Montréal, le sentiment est vraisemblablement partagé par ses admirateurs de longue date.
Les nouveautés
Vieux os, « qui serait un succès lors d’une tournée de CHSLD », a été la plus réussie des nouvelles chansons proposées, les autres étant Le noctambule égaré et Le monde fatal, encore incomplète. Un nouveau disque à paraître? On l’espère bien.
Sous sa carapace de vilain garnement d’un autre âge, Latraverse peut être drôlement touchant et engagé. L’histoire d’amour de jeunesse contée dans Les patineuses, avec sa mélodie sortie des années 1950 ou 1960, était belle à pleurer. Quant à Euthanazie, elle a beau avoir été écrite il y a plus de 25 ans sur un ton humoristique, elle est encore brûlante d’actualité. Et que dire du Mal du pays. Un grand moment.
Le constat m’a sauté aux yeux quelque part durant la deuxième partie à l’écoute de Giselle – que Marsan a demandé à Plume de jouer durant cette tournée – , Faux dur et Vivre dans une valise. Plume, c’est un peu beaucoup notre Bob Dylan, quand on prend le temps de scruter et d’analyser ses textes empreints de poésie.
Et ce spectacle magnifique, c’est celui que j’aimerais bien voir de la part de Dylan, s’il reprenait sa guitare et se remettait à chanter aussi bien que Plume le fait aujourd’hui. Un Plume qui est resté fidèle à l’esprit de sa proposition artistique et qui n’a pas touché à ses titres de légendes, sinon pour fredonner une seule mesure de Saoul comme une botte. C’est la foule qui a chanté les paroles.
Pas une seconde je me suis ennuyé de Bobépine ou du Rock n’ Roll du grand flou mou. Mais j’admets que ça faisait tout drôle de sortir d’un spectacle de Plume sans avoir entendu son fameux « Ma gang de ciboires! »
Plume, Récidives, à la Cinquième salle de la Place des Arts, du 15 au 17 octobre (complet) et du 10 au 12 décembre 2015 (presque complet), ainsi que du 10 au 12 mars 2016 (nouvelles supplémentaires).

Aucun commentaire:

Publier un commentaire