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Mise à jour le dimanche 11 octobre 2015 à 7 h 10 HAE
Mise à jour le dimanche 11 octobre 2015 à 7 h 10 HAE
Des étudiants de l'Université McGill à Montréal (archives) Photo : Luc Lavigne |
À quelques jours des élections du 19 octobre 2015, difficile de prédire qui l'emportera. Par contre, on peut déjà prévoir que le taux d'abstention sera élevé. Et ce, en grande partie parce que les jeunes ne votent pas.
Selon les chercheurs, l'abstention des jeunes est la principale donnée qui explique la baisse du taux de participation. Aux dernières élections fédérales, la moitié des 18-24 ans ne sont pas allés voter, alors qu'environ 80 % des personnes âgées de 55 à 74 ans y sont allées.
Il y a également un lien clair entre le niveau de scolarité et le taux de participation. Lors de la dernière élection fédérale, les personnes ayant un diplôme universitaire ont voté à 78 %, alors que celles qui n'en avaient pas n'ont voté qu'à 60 %.
Pour voir le graphique sur la participation selon l'âge et le niveau de scolarité sur votre appareil mobile, cliquez ici.
Parmi les moins de 34 ans sans diplôme d'études secondaires, il n'y en a qu'un sur trois qui a voté. C'est l'inverse chez ceux ayant un diplôme universitaire, puisque les deux tiers se sont prévalus de leur droit de vote.
Indépendamment du niveau de scolarité, c'est vraiment l'âge qui est déterminant pour la participation, puisque chez les personnes âgées de plus de 65 ans, le double de celles qui n'ont pas d'études secondaires vote (67 % ) par rapport aux jeunes ayant le même niveau de scolarité (34 %).
« Les plus jeunes votent moins que les plus âgés », explique François Gélineau, directeur du Département de science politique à l'Université Laval. « Mais les nouvelles générations d'électeurs en début de vie votent moins que les jeunes des générations antérieures. »
« C'est un retard qu'on ne rattrape pas dans le cycle de vie de l'électeur. Les jeunes d'aujourd'hui vont conserver cet écart par rapport aux autres générations tout au long de leur vie. »— François Gélineau, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires à l'Université Laval
Un déséquilibre dans les enjeux de campagne
Ce phénomène inquiète certains analystes, dans la mesure où il permettra aux générations les plus âgées de conserver une certaine mainmise sur la politique, alors même que leur poids démographique va en diminuant. Les politiciens seront tentés de continuer à orienter leurs propositions envers ceux qui votent. Et les préoccupations des jeunes seront de moins en moins prises en compte.
« Si on ne traite que des enjeux qui touchent les baby-boomers, évidemment que les plus jeunes vont se sentir écartés ou aliénés de la vie politique », croit M. Gélineau.
Selon une analyse du sondeur Nik Nanos, si les Canadiens âgés de moins de 45 ans avaient voté dans la même proportion que les électeurs plus âgés lors de la dernière élection fédérale, les conservateurs n'auraient pas obtenu une majorité.
Les raisons de l'abstention
D'après des données de Statistique Canada tirées de l'Enquête nationale, les principales raisons citées par les gens qui n'ont pas voté à l'élection de 2011 sont le manque d'intérêt (28 %) et le manque de temps (23 %). Le manque d'intérêt englobe également les personnes qui avaient l'impression que leur vote ne modifierait pas le résultat des élections.
L'absence d'un enjeu central et fédérateur dans la campagne est une autre explication avancée par les analystes pour expliquer l'apathie des votants.
Louis Massicotte, professeur de sciences politiques à l'Université Laval, observe que, quand les gens veulent du changement, ils se mobilisent plus. Il cite notamment le cas de l'élection de 2006, où on a vu une augmentation de la participation, qu'on a attribuée à ce changement d'humeur des électeurs.
« Quand les gens sont fâchés et qu'ils ont envie de mettre un gouvernement dehors, ils ressortent de leur torpeur. »— Louis Massicotte, professeur de sciences politiques à l'Université Laval
C'est pour ces raisons que les experts doutent que des propositions telles que le changement du mode de scrutin ou le vote obligatoire réussissent à augmenter le taux de participation.
En Nouvelle-Zélande, où on a adopté dans les années 90 un mode de scrutin mixte incluant un élément proportionnel, le taux de participation a augmenté, pour ensuite redescendre aux niveaux antérieurs.
« Il n'y a pas de formule magique », déplore François Gélineau, de l'Université Laval. « Il n'y a pas une mesure qui permettra d'inverser la tendance. C'est un ensemble de mesures qui touchent plusieurs acteurs. »
Cibler les jeunes
Puisque les jeunes sont à la base du problème, c'est avant tout à eux qu'il faut s'adresser, croit François Gélineau.
C'est pourtant exactement le contraire de ce qu'a fait le gouvernement en adoptant une nouvelle loi électorale, en 2014, qui interdit à Élections Canada de faire de la mobilisation auprès des électeurs.
« Ils vont à contre-courant de ce qu'il faut faire pour inciter les plus jeunes à voter », affirme-t-il. « Empêcher l'administrateur électoral de les mobiliser, rendre les exigences en matière d'identification plus difficiles [...] ce sont des mesures qui nuisent à la participation des jeunes. »
Les chercheurs croient qu'il faudrait plutôt encourager l'éducation à la citoyenneté.
Selon une étude d'Élections Canada menée à la suite de l'élection de 2008, les jeunes adultes sont moins susceptibles que les personnes plus âgées d'envisager le vote comme un devoir civique. Seuls 66 % des 18-34 ans interrogés étaient entièrement d'accord avec cette idée, contre 83 % des personnes âgées de plus de 55 ans.
C'est une responsabilité qui incombe aussi aux plus âgés et notamment aux parents, croit Louis Massicotte. « La dernière fois que je suis allé voter, j'ai vu un père accompagné de son petit garçon, il l'initiait à la citoyenneté. J'ai dit : tiens, voilà quelqu'un qui rend un service à la société. »
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