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Publié le 16 septembre 2015 à 14h58 | Mis à jour le 17 septembre 2015 à 09h47
Publié le 16 septembre 2015 à 14h58 | Mis à jour le 17 septembre 2015 à 09h47
ILLUSTRATION: LA PRESSE |
Une histoire rappelant celle d'Aurore l'enfant martyre attire l'attention, cette semaine, au palais de justice d'Ottawa. C'est celle d'un enfant de 11 ans enchaîné au sous-sol, menotté, brûlé et battu en guise de punition pour avoir «menti» à son père, à l'hiver 2013.
Le calvaire de Jonathan (nom fictif) a duré six mois. Selon ce qui ressort de la preuve du ministère public, le principal agresseur est son père, un agent de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) spécialisé dans les enquêtes sur le terrorisme.
Une ordonnance de non-publication empêche la divulgation de son identité afin de protéger celle de l'enfant.
Mercredi, le juge Robert Maranger a écouté la vidéo de l'entrevue faite par la détective Johanne Marelic de la police d'Ottawa, à côté du lit d'hôpital de Jonathan.
«J'obéis à mes parents, a commencé à expliquer l'enfant maigre et affaibli. J'ai pris de la nourriture à la maison, sans demander. Il m'a puni.»
La suite est troublante.
Brûlé et battu
Jonathan a parlé des menottes, «celles que les policiers utilisent, celles de mon père», de ce bâton de bois qui a laissé tant de marques sur le dos de l'enfant, et d'un briquet à barbecue. «Il le faisait chauffer puis me le collait à la peau.»
«Tu dormais dans le sous-sol?», demande la détective.
«Comme punition», répond l'enfant. Lorsque la policière lui demande le temps passé au sous-sol, le jeune garçon, qui a l'air d'avoir six ans au moment de l'entrevue, répond «six mois».
La policière lui demande de montrer ses blessures à la caméra. On y voit des jambes, des bras et un dos tuméfiés et brûlés. Une de ses oreilles est rouge. Encore une brûlure. «Il m'a brûlé plusieurs fois en deux jours.»
La policière pointe les chevilles. «Ces marques-là?», demande-t-elle.
«Ce sont les chaînes», dit-il, la voix tremblante et à peine audible.
L'accusé, selon la preuve, attachait ainsi son fils à un poteau. Jonathan montre comment il dormait, poings liés, dans son petit sac de couchage. Il avait accès à sa vraie chambre, en haut de la résidence, lorsque son père voulait lui «donner une chance» de faire ses devoirs.
Pour ses besoins naturels, il n'y avait qu'une chaudière.
Comme le suspect d'un crime important, le jeune était à l'occasion menotté dans le dos.
«Que mangeais-tu», demande la policière. «Des cochonneries... Des biscuits, du chocolat, du beurre d'arachides... De l'eau.»
Un soir de février, il a réussi à enlever ses menottes, et sortir de la maison de Kanata. L'enfant maigre est allé demander de la nourriture à des voisins. La police, pas le père, a été alertée sur-le-champ.
L'enfant, dans son lit d'hôpital, semble s'en vouloir d'avoir menti. La policière le regarde dans les yeux et lui dit: «Tous les enfants font des erreurs.»
La conjointe de l'accusé devait savoir ce qui se passait. «Ils étaient toujours ensemble», a dit l'enfant. La preuve sur la femme, soit la belle-mère de la victime alléguée, reste à faire.
Lors de la présentation de la vidéo, l'enfant, présent à la cour, a levé la main pour démentir avoir été agressé sexuellement par un membre de la famille de sa mère biologique, aujourd'hui décédée. «Ce n'est pas eux, a-t-il lancé au juge. C'est papa. Il m'a touché le zizi dans la douche. Il y a touché dans la douche, avant que maman meure. Il touchait de façon pas correcte.»