Le témoin principal de la poursuite, Paul Sauvé, a oublié certains événements survenus en 2006.
L’entrepreneur Paul Sauvé donne du fil à retordre à la Couronne dans le procès des six accusés de l’opération Diligence.
Le témoin principal de la poursuite a une mémoire fuyante des incidents qui l’ont marqué en 2006. Un membre des Hells Angels, Normand Ouimet, a procédé à une prise de contrôle hostile de son entreprise, L. M. Sauvé, afin de blanchir les profits de ses activités illicites et prendre le contrôle de la maçonnerie à Montréal. Ouimet aurait été assisté de l’homme d’affaires Louis-Pierre Lafortune, l’un des coaccusés.
Le tandem aurait graduellement pris le contrôle de la comptabilité, des chantiers de L. M. Sauvé, de la liste de ses sous-traitants, des embauches et des mises à pied. M. Sauvé, qui est bipolaire, n’était pas au sommet de sa forme à l’époque. « J’étais pas dans le meilleur des esprits à ce moment-là. J’acceptais les changements peut-être à tort», a-t-il dit jeudi, lors du procès devant jury de Lafortune et ses complices allégués (Robert Amato, Jocelyne Therrien, Guy Drouin, Daniel Lafond et Jerry Purdy).
Le témoin a mis sur son état d’esprit et le passage du temps ses difficultés à se remémorer de paroles précises lancées par Ouimet, ou encore de l’implication de Lafortune dans le renvoi de son comptable, Pierre Marchand, qui a été remplacé par l’une des coaccusés, Jocelyne Therrien.
Par contre, l’entrepreneur garde un souvenir indélébile du moment où Normand Ouimet lui a montré sa veste de cuir à l’effigie des Hells Angels, qu’il traînait dans le coffre d’une Mercedes prêtée par la compagnie. Ouimet lui a dit : «Au cas où il y en aurait qui avaient des doutes.»
Paul Sauvé a rencontré Louis-Pierre Lafortune par l’entremise des représentants du Fonds de solidarité de la FTQ (FSTQ). En 2003 et 2004, son entreprise était en difficulté financière et il cherchait à obtenir l’appui de la Banque Nationale et du Fonds. Il a réalisé qu’il ne faisait«pas partie de la bonne gang». Ses employés étaient affiliés à l’International, un syndicat rival de la FTQ. «Il faut faire partie de la gang. Il faut avoir des contacts au sein de l’exécutif de la FTQ-Construction», a-t-il expliqué.
De fil en aiguille, Sauvé s’est rapproché de Jocelyn Dupuis, le directeur général de la FTQ-C à l’époque. Selon Paul Sauvé, Jocelyn Dupuis exerçait une influence démesurée sur l’industrie de la construction. Il était en contact étroit avec Louis-Pierre Lafortune et Normand Ouimet.
Quand Sauvé s’est plaint à Dupuis que les inspecteurs de la Commission de la construction du Québec (CCQ) l’importunaient sur les chantiers, le leader syndical a passé un coup de fil au responsable des inspections de l’organisme. Du jour au lendemain, la CCQ s’est montrée plus conciliante avec L. M. Sauvé. «La CCQ est gouvernée par la FTQ-C», a dit le témoin.
Paul Sauvé a été très vexé d’une conversation entre Jocelyn Dupuis et Louis-Pierre Lafortune, qu’il avait recruté dans son giron. Lafortune aurait dit de L. M. Sauvé : «C’est une poule aux oeufs d’or. Mais il faut se débarrasser du coq.»