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samedi, avril 04, 2015

Comment devenir conférencier

http://www.journaldequebec.com/

Richard Martineau
Ça y est! Je sais ce que je ferai lorsque je n’aurai plus de contrat comme chroniqueur et animateur.
Je vais devenir conférencier!
Je vais me promener d’un congrès à l’autre et je vais donner des conseils bidon aux gens.
«Comment devenir un grand leader» ou «Comment motiver votre équipe».
Je connais plusieurs vedettes has been qui font ça et elles font un max de fric.
Pourquoi pas moi?
LE MERVEILLEUX MONDE DES CONGRÈS
Ce qui est extraordinaire, avec les conférences et les séances de «formation professionnelle», c’est que tu ne manques jamais de job.
Prenez votre bottin téléphonique et ouvrez-le à la section Associations, vous verrez: il y en a des centaines.
L’Association de la gestion parasitaire, l’Association québécoise des personnes de petite taille, l’Association canadienne des métiers de la truelle, l’Association québécoise des marionnettistes, l’Association des embouteilleurs de boisson gazeuse citron-lime, etc.
Chaque année, ces associations organisent des congrès. Et cha­que année, elles ont besoin de vedet­tes has been qui vont leur raconter n’importe quelle niaiserie pendant que leurs membres mangent du poulet en caoutchouc arrosé de piquette.
Et si t’es chanceux, une fois par année, tu participes à un collo­que de fonctionnaires.
Ça, c’est le jackpot. Bonne bouffe, grands vins, hôtels quatre étoiles – y a rien de trop beau pour les serviteurs de l’État.
Dans ces congrès-là, the sky is the limit.
De toute façon, c’est le contribuable qui paie, alors...
C’EST TOI LE CHAMPION !
Vous me direz que c’est difficile de prononcer des conférences devant des gens que vous ne connais­sez pas et dont vous vous foutez comme de l’an 40.
Au contraire: il n’y a rien de plus facile!
Ou ils sont pompettes. Ou ils cuvent leur brosse de la veille. Ou ils sont tellement contents de sortir de leur bureau qu’ils écouteraient n’importe quoi.
C’est d’ailleurs ce que les conférenciers leur racontent: n’importe quoi. Une série de clichés reliés les uns aux autres par des «souvenirs personnels» inventés.
«C’est toi le champion!», «Vise les étoiles!», «Vas-y, t’es capa­ble!», «C’est pas tout d’avoir une idée, encore faut-il passer à l’action!»
Le genre de phrases creuses qu’on trouve dans les biscuits chinois et qui sonnent comme des perles de grande sagesse après trois verres...
Dans 90% des cas, ces gens-là s’emmerdent dans leur job. Et ils ne peuvent plus se voir en peinture.
Ils veulent juste qu’on leur donne une petite tape dans le dos pendant 50 minutes.
Tu leur dis combien leur expertise est importante, à quel point leur organisme fonctionnerait mieux si leur patron leur demandait plus souvent leur avis, tu les encourages à se relever les manches, à briser la routine et à «affronter l’inconnu», et bingo! tu viens de te faire cinq mille piastres.
L’ODEUR DE LA CAMOMILLE
Ce qui est important, c’est le titre de ta conférence.
Il faut que ce soit réconfortant, chaud, accueillant. Que ça évoque la couleur mauve, l’odeur de la camomille.
«Calmitude», «zénité», «bonheur», «croissance»...
Ajoutez «motivation» et «persévérance», et vous avez une ovation debout!