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dimanche, octobre 08, 2017

Les menaces creuses de Donald Trump


AFP
Donald Trump

Après une semaine difficile, Donald Trump est revenu à ses vieilles habitudes de détourner l’attention en proférant des menaces à tout vent. Mais les menaces de Donald Trump sont plus souvent qu’autrement creuses et, dans certains cas, il joue avec le feu.
Jeudi, lors d’une rencontre avec ses principaux conseillers militaires, le président Trump déclenchait une mini-tempête à Washington en déclarant, sourire aux lèvres, qu’on se trouve dans le calme avant la tempête. Quelle tempête? « Vous verrez », a-t-il souligné, sans préciser à quoi il faisait référence au juste. Peut-être s’agit-il de la Corée du Nord, dont il disait ce matin sur Twitter qu’à ses yeux, il n’y a qu’une seule solution pour le problème qu’elle représente. Quelle solution? Encore une fois, silence radio.
Jeudi, c'était le "calme avant la tempête". Quelle tempête? "Vous verrez," a répondu Trump. On attend encore...
 Ce genre de menaces non spécifiques ne représente rien de nouveau pour Donald Trump. En fait, son discours en est littéralement truffé depuis son entrée en politique et avant. Les négociateurs commerciaux canadiens en savent quelque chose, eux qui doivent faire leur travail sous la menace d’un retrait des États-Unis de l’ALÉNA proférée à maintes reprises par le président, même s’ils savent pertinemment que les États-Unis n’ont aucun intérêt à jeter cet accord et que leurs vis-à-vis à la table de négociation le savent très bien.
Un bluffeur qui a rarement du jeu
Que faut-il faire de ces menaces de Donald Trump, qu’il nous sert treize à la douzaine depuis son entrée en politique? Pas grand-chose. En fait, Trump aime à se présenter comme un bluffeur, mais il est rarement très convaincant. Il suffit de rappeler quelques-unes de ses plus remarquables menaces passées qui se sont avérées toutes plus vides les unes que les autres.
Quand Donald Trump était dans les affaires, il menaçait constamment de poursuivre ceux qui entravaient ses visées, mais il passait très rarement aux actes. Il répète depuis toujours à qui veut l’entendre qu’il ne règle jamais ses litiges hors cour, mais il l’a fait au moins une centaine de fois, notamment dans le cas de la Trump University, où il a réglé pour 25 millions de dollars une poursuite de 40 millions. On se souviendra du temps où il faisait campagne pour l’idée saugrenue selon laquelle Barack Obama était né au Kenya. Il avait maintes fois menacé de dévoiler des faits irréfutables que ses enquêteurs avaient déterrés, mais il était assez clair que ces « faits » étaient purement fictifs. Pendant sa campagne électorale, il avait ouvertement menacé d’accuser formellement la Chine de manipuler sa devise, ce qu’il n’a pas fait. Il a aussi menacé de reconnaître Taïwan, mais il a cessé d’en parler peu après. Dans la controverse autour du congédiement de James Comey, il avait menacé de publier des enregistrements qui viendraient appuyer sa version de faits. Ces enregistrements n’ont jamais fait surface. Dans le cadre de votes serrés au Congrès, il a menacé certains législateurs de les désavouer s’ils votaient contre lui, mais après le vote défavorable, Trump passait l’éponge comme si de rien n’était.
Les salves rhétoriques ignorées
Face à la Corée du Nord, Trump répète depuis le tout début les mêmes menaces exagérées contre des gestes indéterminés. À chaque fois, le régime de Kim Jong-un fait comme s’il n’avait rien dit et les menaces sont rapidement oubliées. Même chose pour les menaces proférées à l’endroit des partenaires économiques de la Corée du Nord, qui sont toutes demeurées sans suite. Pour la plupart des spécialistes de ces questions, il est clair que de telles menaces démesurées reposant sur des actions vagues n’aident en rien à contenir les ambitions nucléaires du petit dictateur.
Heureusement, il semble pour le moment que les responsables militaires et diplomatiques conservent un certain contrôle de la situation du côté américain, pendant que les Nord-Coréens semblent avoir tout simplement décidé d’ignorer les salves rhétoriques du président. Même si Trump semble dire que la seule solution à ce conflit est une confrontation militaire totale, ce serait loin d’être une solution et il faudra bien un jour en venir à une entente négociée pour éviter la catastrophe.
Jouer avec le feu
Il est aussi possible que la promesse de tempête de Trump signale son intention arrêtée de mettre fin à l’entente nucléaire avec l’Iran, qu’il présente encore comme la pire entente négociée dans toute l’histoire des États-Unis. Ce qu’il ne dit pas est que cette entente a aussi été ratifiée par tous les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et que les perspectives de sanctions efficaces dans l’hypothèse où le gouvernement américain ferait cavalier seul contre l’Iran sont plutôt minces. Ce qu’il cherche à gagner en augmentant la pression sur ce dossier n’est pas du tout clair, car de l’avis unanime de toutes les autres parties à l’entente, celle-ci remplit pour le moment assez bien ses promesses. Peut-être cherche-t-il à extirper une concession de l’Iran qui lui permettrait de présenter cette nouvelle entente, qui porterait son nom, comme le « deal » du siècle. C’est ce qu’on verra.
De toute évidence, comme dans le cas de la loi sur la santé que Trump n’arrive toujours pas à faire abroger, l’accord nucléaire avec l’Iran est un gros morceau de l’héritage politique de Barack Obama, qui a coupé court aux ambitions d’armement nucléaire de l’Iran. Toutefois, contrairement aux décrets qu’il peut facilement démanteler d’un coup de plume, ce genre d’entente serait extrêmement difficile à renégocier et les conséquences d’un retrait unilatéral des États-Unis seraient incalculables. Encore une fois, Trump s’imagine peut-être que son bluff lui permettra de gagner, mais rien n’est moins sûr. Ce qui est clair depuis les tout débuts est qu’il n’a qu’une très vague idée du contenu de l’accord avec l’Iran et des détails de son fonctionnement. Il joue avec le feu mais il se semble pas se rendre compte qu’il pourrait bien être assis sur un baril de poudre.
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Pierre Martin est professeur de science politique à l’Université de Montréal et directeur de la Chaire d’études politiques et économiques américaines au CÉRIUM. On peut le suivre sur Twitter: @PMartin_UdeM

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