Publié le 27 octobre 2017 à 06h12 | Mis à jour à 12h41
Des pompiers ont participé à un rassemblement soulignant la déclaration d'indépendance de la Catalogne, le 27 octobre à Barcelone. PHOTO YVES HERMAN, REUTERS |
DANIEL BOSQUE
Agence France-Presse
Barcelone
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Le Parlement de Catalogne a adopté vendredi une résolution déclarant que la région devient un « État indépendant prenant la forme d'une République », une rupture sans précédent en Espagne, à laquelle Madrid a riposté en mettant la région sous tutelle.
Les élus catalans, dont le président Carles Puigdemont (au centre) ont entonné l'hymne nationaliste après la déclaration d'indépendance.
PHOTO MANU FERNANDEZ, ASSOCIATED PRESS
Des manifestants réunis devant le Parlement catalan ont manifesté leur joie à l'annonce de l'adoption de la résolution d'indépendance, le 27 octobre à Barcelone.
PHOTO YVES HERMAN, REUTERS
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a immédiatement réagi au vote en promettant sur Twitter de « restaurer la légalité » en Catalogne.
À Barcelone, les élus et quelque 200 maires indépendantistes entonnaient pendant ce temps l'hymne nationaliste, en criant « Vive la Catalogne ! »
Mais la déclaration d'indépendance va à l'encontre des souhaits d'une grande partie des Catalans.
Lors des dernières régionales, en 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,8 % des suffrages.
La résolution a été adoptée en l'absence de l'opposition, qui avait quitté l'hémicycle, par 70 voix pour, dix voix contre et deux abstentions. Les partis séparatistes - allant de l'extrême gauche au centre droit - sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au parlement.
Cette résolution constitue « la République catalane, comme État indépendant et souverain, de droit, démocratique et social ».
Quelques minutes plus tard, le Sénat espagnol a voté en faveur de la mise en oeuvre de l'article 155 de la Constitution, qui permet de mettre sous tutelle la région, un événement également sans précédent en Espagne depuis que la démocratie a été rétablie en 1977.
Dans la foulée, Mariano Rajoy a convoqué un conseil des ministres extraordinaire pour mettre en oeuvre les mesures qui en découleront.
À l'extérieur du Parlement catalan pendant ce temps, plusieurs dizaines de milliers de manifestants indépendantistes ont salué par des clameurs l'annonce du résultat. Des hourras, des applaudissements et le cri « indépendance » en catalan se sont élevés de la foule.
Sablant le cava catalan et s'embrassant, les manifestants ont entonné, avec une grande ferveur, l'hymne de la Catalogne, la plupart le poing levé.
Le président indépendantiste de la région Carles Puigdemont a, lui, appelé les Catalans à rester « pacifiques et civiques ».
Dans ses attendus, la résolution demande à l'exécutif catalan de négocier sa reconnaissance à l'étranger, alors qu'aucun État n'a manifesté son soutien aux indépendantistes.
Avant ce vote, l'opposition avait quitté l'hémicycle.
Brandissant la résolution, Carlos Carrizosa, du parti anti-indépendantiste Ciudadanos, avait déclaré : « Ce papier que vous avez rédigé détruit ce qu'il y a de plus sacré, la coexistence » en Catalogne.
« Comment a-t-on pu en arriver là ? », s'était demandé Alejandro Fernandez du Parti populaire (conservateur) de Mariano Rajoy, évoquant « un jour noir pour la démocratie ».
« État catalan »
La Catalogne n'en est pas à ses premières tentatives d'éloignement du gouvernement central. Mais son exécutif n'était jamais allé aussi loin. Le dernier épisode remonte à plus de 80 ans.
Le 6 octobre 1934, le président du gouvernement autonome de Catalogne, Lluis Companys, proclamait un « État catalan dans le cadre d'une République fédérale d'Espagne ».
Cette tentative avait déclenché une proclamation d'État de guerre et des affrontements qui avaient fait entre 46 et 80 morts, selon les historiens. La Catalogne avait alors perdu son autonomie pendant deux ans.
L'article 155 de la Constitution - jamais appliqué - permet à Mariano Rajoy de suspendre de facto l'autonomie de la région.
Les conséquences de la déclaration d'indépendance comme de la mise sous tutelle de la région sont incalculables.
En panique face à l'insécurité juridique, plus de 1600 sociétés ont déjà décidé de transférer leur siège social hors de Catalogne, agitée depuis des semaines par des manifestations pour et contre l'indépendance. Les banques catalanes accentuaient leur chute vendredi à la Bourse de Madrid.
Elle inquiète aussi l'Europe.
L'Espagne reste « la seule interlocutrice » de l'Union européenne, a affirmé vendredi Donald Tusk, le président du Conseil de l'UE, qui représente les 28 États membres.
« Pour l'UE rien ne change. L'Espagne reste notre seule interlocutrice », a écrit M. Tusk sur Twitter, en appelant parallèlement le gouvernement espagnol à choisir « la force de l'argument plutôt que l'argument de la force ».
Washington, Berlin et Paris ont aussi fait savoir qu'ils soutenaient l'unité de l'Espagne.
« Ordre constitutionnel »
Les partis séparatistes présentent comme un « mandat » les résultats - invérifiables - du référendum d'autodétermination interdit du 1er octobre, qui avait été émaillé de violences policières : 90 % de « oui » à la sécession, avec 43 % de participation.
L'article 155 est une mesure délicate à appliquer.
Pour la Catalogne, il suppose un recul important, qui rappellerait la dictature de Francisco Franco (1939-1975) pendant laquelle elle avait été privée de cette autonomie.
Le gouvernement espagnol affirme cependant qu'il veut uniquement en faire usage pour « restaurer l'ordre constitutionnel », pendant six mois, face aux menaces de sécession des indépendantistes. Il promet d'y organiser des élections au plus vite, dans un délai de six mois maximum.
Mais la mesure choque d'autant plus localement que c'est justement autour du débat sur les compétences de la Catalogne, meurtrie par l'annulation partielle en 2010 par la justice d'un statut lui conférant de très larges pouvoirs, que s'est nouée la crise actuelle.
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