ANTOINE ROBITAILLESamedi, 23 septembre 2017 05:00MISE à JOUR Samedi, 23 septembre 2017 05:00
La légalisation du cannabis ne facilite pas la vie déjà tumultueuse du caucus libéral à Québec.
En fait, voilà l’exemple parfait d’un projet qui paraissait si simple lorsqu’il fut évoqué, puis promis.
On légalise ; la police sera délestée de travail inutile ; cela coupera l’herbe sous le pied du crime organisé. On économisera. On cessera de rendre nos jeunes criminels.
La prohibition a beau être une sorte de diable combattu depuis des lunes lors d’élections par des partis tel le Bloc Pot. Mais il se loge néanmoins aussi, le diable, dans les détails de la légalisation.
À quel âge devrait-on pouvoir en acheter ; en consommer ? Qui produira ? Qui distribuera ? Le privé, le public ? À quel prix sera vendue la substance ? Que faire des produits dérivés : gâteaux, jujubes, suppositoires... etc. ?
Ces questions deviennent obsédantes.
Et le gouvernement du Dominion a imposé aux provinces une limite de temps minimale : le 1er juillet 2018. Il faudra alors impérativement qu’on soit prêts à célébrer la libération de la mari, « A mari usque ad mare ».
Résistances
Nulle surprise que la rédaction d’un projet de loi-cadre québécois semble tarder.
Au caucus libéral, on est loin de l’unanimité.
Plusieurs élus libéraux pensent comme les caquistes que la légalisation n’est pas une bonne idée et qu’il faudrait recriminaliser par la porte d’en arrière.
Lise Thériault, en 2015, lançait : « Comme parent, je vous dirais que la légalisation de la marijuana, ça peut vraiment indisposer beaucoup de personnes, moi la première. » Le ministre des Finances Carlos Leitao non plus ne semble pas ravi d’avoir à traiter de cette question.
Depuis jeudi, on sait en tout cas que Philippe Couillard n’est pas à classer dans le camp des réticents qui souhaitent limiter les dégâts en plaçant la limite d’âge le plus près possible de 25 ans. Et la condescendance dont il a empreint ses réponses à François Legault semblait faire grincer des dents dans ses propres rangs.
« Est-ce [que François Legault] pense sérieusement, sérieusement qu’il va empêcher de quelque façon les jeunes de 18 à 21 ans de fumer du pot ? Allo la Terre ! » lança le premier ministre.
Ce « allo la Terre » s’adressait manifestement aussi à son ministre de la Santé, Gaétan Barrette, qui déclarait en juin : « Si vous me demandez vers quel bord mon cœur penche, eh bien mon cœur penche plus vers le 21 ans. »
Allo la terre !
M. Barrette avait alors déclaré que les parallèles entre l’alcool et le cannabis étaient non pertinents : « Je vais vous dire quelque chose de bien clair : il n’y a personne qui fait de psychose sur l’alcool. »
Jeudi en Chambre, en réponse à François Legault, on aurait dit que « Docteur » Couillard répliquait à Gaétan Barrette.
Et sur le même ton du « Allo la Terre », autrement dit avec cette condescendance dégoulinante dont il est capable. M. Couillard suggéra donc à M. Legault d’« élargir sa réflexion », en ces termes : « L’alcool, ce n’est pas bon pour le développement du cerveau non plus, pas bon du tout, du tout, du tout. Et on sait qu’il y a des abus d’alcool parmi notre jeunesse également. Alors, il faut qu’il [M. Legault] soit conséquent. L’un n’est pas banal, pas plus que l’autre et on ne veut pas banaliser le cannabis. »
Et vous, vous êtes plus doc Barrette ou plus doc Couillard ?
LE CARNET DE LA SEMAINE
PHOTO SIMON CLARK
Hier, le collègue Patrick Bellerose a posé une question simple au ministre des Transports Laurent Lessard : « Vous êtes satisfait du projet pilote avec Uber depuis un an ? » La réponse ? Le même qualificatif ne convient pas : « Bien, le suivi qu'on a fait sur une base hebdomadaire avec eux concernant la formation, l'obtention du permis classique, les vérifications... de maladie, donc de santé, le volet santé, l'encadrement sur deux éléments, la formation, puisqu'on avait développé un cadre différent avec l'application mobile, mais qui était, je dirais, jugée trop souple, qui manquait de robustesse, et principalement aussi la formation sur ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils ne doivent pas faire... donc, et non pas de développer une application pour chercher comment ils ne le font pas, mais plutôt de faire de la formation sur respecter la réglementation en place, dont les courses hélées, éviter d'avoir des lanternons. » Pardon ?
LA CITATION DE LA SEMAINE
Les échangistes
L’élection partielle qui aura lieu le 2 octobre dans Louis-Hébert est vraiment marquée par l’échangisme politique. On apprenait cette semaine que la candidate libérale Ihssane El Ghernati a déjà siégé à l'exécutif de l'ADQ ! Ce n’est qu’un cas parmi de nombreux dans l’ancien fief de Sam Hamad. Souvenez-vous, le candidat libéral déchu, Éric Tétrault, avait, lui, été approché par la CAQ avant d’être choisi par le PLQ. Son adversaire caquiste tout aussi déchu, Normand Sauvageau, a confié avoir longtemps voté pour le libéral Sam Hamad. Il a été remplacé comme candidat par... Geneviève Guilbeault, une ancienne des cabinets libéraux (même en 2016 pour le ministre Coiteux). Revenons au PLQ, qui a failli présenter Anne Marcotte, laquelle avait déjà approché personnellement la CAQ pour se présenter. Quant au candidat péquiste, Normand Beauregard, eh bien, il a déjà eu sa carte de membre de Québec solidaire.
Lessarderie à décrypter
Le philosophe Proulx
Le ministre de l’Éducation semble avoir l’esprit philosophique. Lorsque son critique péquiste Alexandre Cloutier lui a lancé, au sujet du dossier des taxes scolaires, « le temps passe, rien ne change », le ministre a rétorqué avec une phrase quasi hégélienne à double négation : « Le temps ne passe pas sans que rien ne se fasse. » On en a pour des années à l’analyser celle-là.
« La seule façon de garantir l'intégrité territoriale du Québec, c'est l'appartenance à la fédération canadienne. » – Philippe Couillard, qui a décidé ainsi de rompre avec la doctrine de l'indivisibilité du territoire du Québec.