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Publié le 03 novembre 2015 à 07h15 | Mis à jour à 07h15
Johra Kaleki (à droite sur la photo) a été reconnue coupable d'avoir tenté de tuer sa fille de 19 ans. Le verdict est tombé en mars dernier - cinq ans après les faits.
Publié le 03 novembre 2015 à 07h15 | Mis à jour à 07h15
PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE |
Alors que sa mère a tenté de la tuer il y a cinq ans parce qu'elle faisait « honte » à la famille, Bahar - qui avait 19 ans au moment de l'agression - est aujourd'hui assise aux côtés de l'accusée dans la salle de la cour.
Leur relation est même « meilleure que jamais », a affirmé la jeune femme de 25 ans, hier, au palais de justice de Montréal.
La victime a livré hier un vibrant témoignage pour tenter d'éviter la prison à sa mère, Johra Kaleki, au moment des plaidoiries sur la peine. Mère et fille vivent d'ailleurs toujours sous le même toit à Dorval.
À l'époque du drame, la police de Montréal avait évoqué la thèse du « crime d'honneur ».
Au terme de son procès, en mars dernier, Mme Kaleki, 43 ans, a été reconnue coupable d'avoir tenté de tuer sa fille aînée. La mère de famille d'origine afghane a poignardé sa fille de 19 ans après que celle-ci eut découché pour la première fois, en juin 2010.
« Je serais complètement dévastée si elle était envoyée en prison », dit Bahar, fille de l'accusée, qui travaille aujourd'hui comme éducatrice spécialisée dans un hôpital montréalais.
Malgré le fait que sa mère l'a poignardée à plusieurs reprises pour ensuite la décrire à la police comme une « pute » qui faisait « honte » à sa famille, Bahar jure qu'elle n'a « aucune séquelle » psychologique de l'agression.
Au procès, la défense - qui se basait sur le rapport de la psychiatre Dominique Bourget - avait plaidé la folie passagère, mais cela avait été rejeté par le juge Yves Paradis.
Encore aujourd'hui, le mari de l'accusée, Ebrahim Ebrahimi, insiste sur le fait que sa femme n'est pas dangereuse. Sa femme n'était pas elle-même ce jour-là, a-t-il martelé hier, implorant le juge à son tour de ne pas lui imposer une peine de prison.
Le père de famille affirme qu'il n'a pas hésité à envoyer sa femme voir une psychiatre - au coût de 20 000 $, a-t-il précisé - pour comprendre la raison pour laquelle elle s'en était prise à leur fille ce jour-là. « Je vais me poser la question toute ma vie », dit celui qui est marié avec Mme Kaleki depuis 25 ans.
Le 13 juin 2010, Bahar a défié les règles de la maison en sortant dans les bars pour la première fois de sa vie, deux soirs de suite, lors de la fin de semaine du Grand Prix.
Le dimanche matin, soit le 13 juin, elle est revenue à l'aube. Le père a sermonné sa fille, puis la mère a demandé à son mari de la laisser seule avec elle, disant qu'elle allait s'en occuper. Mme Kaleki a dit à sa fille qu'elle l'aimait, puis elle lui a demandé de s'étendre sur le canapé, sur le ventre, les bras en croix, car elle allait lui faire un massage. Bahar s'est exécutée. La mère l'a plutôt poignardée plusieurs fois avec un couperet en lui disant qu'elle ne méritait pas « cette vie ».
Alerté par les cris, le mari est intervenu et s'est jeté sur sa femme pour la maîtriser, non sans difficulté, alors qu'elle tentait d'étrangler sa fille.
« Si le mari n'était pas intervenu, Johra Kaleki serait devant vous pour un meurtre prémédité », a souligné au magistrat la procureure de la Couronne, Me Anne Gauvin, qui réclame 10 ans de prison.
Bahar a été blessée à la tête, au cou, aux épaules et aux doigts.
EN QUÊTE DE LIBERTÉ
M. Ebrahimi et sa femme ont quitté l'Afghanistan pour venir s'établir à Montréal et y élever leurs quatre filles. « On vivait dans une société où des crimes d'honneur étaient commis, a-t-il expliqué, niant du même coup la thèse de la police. Si on est venu ici, c'est justement parce qu'on voulait cette liberté, ce droit pour nos filles d'étudier et de s'exprimer librement. »
Une amie de la famille est aussi venue témoigner en faveur de Mme Kaleki. L'accusée gardait souvent son fils avant le crime et elle continue de le faire malgré le récent verdict de culpabilité. « C'est la meilleure mère que je connaisse », a dit cette amie.
« Ce n'est pas dans l'intérêt de la société d'envoyer Mme Kaleki en prison », a plaidé, pour sa part, l'avocate de l'accusée, Me Isabel Schurman. La défense a suggéré une peine suspendue assortie de conditions comme des travaux communautaires, laissant le tout à la discrétion du juge.
La défense a insisté sur le fait que l'accusée avait un « état mental altéré » au moment du crime. Une affirmation qui a fait bondir la poursuite, puisque le juge avait déjà rejeté la défense de « non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux ».
Plusieurs autres facteurs jouent en faveur d'une peine clémente, toujours selon la défense : le fait que la victime a pardonné à sa mère, que cette dernière est le pilier de la famille, qu'elle n'a pas d'antécédent judiciaire et qu'elle a respecté toutes ses conditions de liberté provisoire au cours des cinq dernières années.
Le juge Paradis rendra son verdict sur la peine le 23 février prochain.