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La question des dédoublements n’est pas nouvelle au Canada. Elle se pose ainsi: les bureaucraties fédérale et provinciale s’enchevêtrent sur le territoire québécois. C’est inefficace et ça coute très cher en plus de compliquer souvent la vie des citoyens. La solution des nationalistes est simple: qu’Ottawa se retire et reconnaisse ainsi l’autonomie québécoise. Les souverainistes vont plus loin: il y a trop d’États au Québec, il y en a deux, et celui qu’il faut sacrifier, c’est l’État canadien. On pourrait dire que la plupart des gens s’entendent sur l’essentiel: pourquoi ne pas en arriver à un seul rapport d’impôt? Ce n’est pas surprenant : pour la grande majorité des Québécois, leur vrai gouvernement est à Québec.
Les libéraux ont décidé de résoudre cette question à l’envers. C’est l’État québécois qui est de trop et qu’il faut démanteler morceau par morceau. C’est ce qu’il faut comprendre du rapport Robillard qui ne propose rien de moins que le transfert de la collecte des impôts à Ottawa. Voyons la chose du bon côté: il prend au sérieux le problème des dédoublements entre Ottawa et Québec. Autrement dit, le Canada tel qu’il est ne fonctionne pas parfaitement et sa structure actuelle multiplie les carences administratives qui coûtent cher. En un mot, on devrait s’y intéresser et cesser de croire que le royaume des vraies affaires n’a absolument rien à voir avec l’organisation politique de la fédération. Le rapport Robillard poussera-t-il les Québécois à se rappeler qu’ils vivent dans une fédération qui leur coute cher et qui fonctionne mal?
La proposition de Lucienne Robillard est certainement conforme à l’orientation du gouvernement Couillard, qui adhère à une version si radicale du fédéralisme qu’il en vient jusqu’à nier complètement la question nationale. Philippe Couillard n’a-t-il pas souhaité récemment jusqu’à la disparition du mouvement souverainiste, dont l’idéal serait si toxique qu’il ferait régresser à lui seul le Québec, même lorsqu’il est dans l’opposition? Martin Coiteux a bien pris la peine de ne pas fermer la porte à la proposition de Lucienne Robillard, en prétendant refuser tout dogmatisme. Mais il n’y a qu’au Québec où l’attachement à la nation et aux instruments qui assurent son autonomie fiscale relève du dogmatisme. Exister, dans notre cas, c’est déjà dépasser les bornes.
Il ne s’agit plus seulement du démantèlement des acquis de la Révolution tranquille, mais plus largement, des conquêtes du nationalisme québécois. Le gouvernement Couillard en est un de liquidation nationale. On se demandera alors pourquoi il faudrait s’arrêter en chemin : dès qu’il y a un dédoublement entre Québec et Ottawa, faut-il en conclure que le Québec doit battre sa coulpe et proposer d’abolir le programme de trop? On aura compris l’essentiel: pour Lucienne Robillard et ses amis du nouveau PLQ, c’est le Québec qui semble de trop. Le jour où il se sera fait tout petit au point de ne plus déranger personne, alors nous serons prospères, libres et heureux.