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Je n’ai rien contre le fait qu’on fête le Canada à Vancouver, Toronto, Halifax. On peut même le fêter à Westmount. Nos anglos y sont viscéralement attachés et on ne leur reprochera pas. Mais on ne peut quand même pas taire la réalité: au Québec, la fête du Canada est une immense orgie publicitaire permettant au gouvernement fédéral de nous administrer sur une base annuelle une propagande à gros grain, pour nous enfoncer dans la gorge un pays auquel nous n’appartenons fondamentalement pas et qui nous est fondamentalement étranger.
La fête du Canada, c’est l’occasion d’une débauche de fonds publics (qui n’indigne jamais nos fédéralistes de droite, étrangement) pour nous dire que nous vivons dans le meilleur pays au monde. Un pays qui a toutefois cette particularité de ne pas nous reconnaître comme peuple, ni même comme société distincte, et de nous traiter de plus en plus comme une grosse minorité ethnique folklorique dont on a de moins en moins besoin pour faire fonctionner le système. Nous l’avons peut-être fondé en 1534 ou en 1608. Mais nous en avons été expulsés en 1982.
Le 1er juillet, on prépare des discours, on cherche à montrer à la télévision des quidams enjoués avec l’unifolié peint sur les joues. Il faut les chercher longtemps et plus encore si on veut qu’ils parlent français. On ajoutera au 1erjuillet les compétitions sportives: Ottawa sait jouer à son avantage du patriotisme sportif. Mais la réalité remonte à la surface une fois l’effervescence des médailles passée: le peuple québécois n’est pas une fiction idéologique mais une réalité inscrite dans l’histoire, même si son enfermement canadien distord son identité collective et l’empêche de s’assumer pleinement.
L’objectif d’Ottawa, depuis toujours, c’est que les Québécois se sentent Canadiens d’abord et Québécois ensuite. On est bien prêt à tolérer notre réalité nationale à la manière d’une différence ethnique de carte postale. Mais on ne veut y reconnaître aucune conséquence politique significative. L’histoire du fédéralisme canadien, depuis cinquante, c’est celle d’un refus souvent réitéré de reconnaître le fait national québécois. Aujourd’hui, on nous croit vaincus pour de bon et on ne prend même plus la peine de porter attention à nos revendications historiques.
Qu’on ne me comprenne pas mal. Je ne déteste pas le Canada. Pas du tout même. C’est un pays honorable envié partout sur la planète. Mais je ne comprends pas trop ces souverainistes qui veulent avoir l’air si raisonnables et modérés qu’ils expliquent doctement ne rien reprocher au Canada et n’avoir aucun grief particulier contre lui. Évidemment que ce n’est pas le goulag, pour reprendre la formule de René Lévesque. Évidemment qu’on y vit paisiblement. Mais on aurait pourtant tort de faire semblant que tout va bien. Car c’est terriblement faux.
Le Canada nous anglicise et conteste chez nous le statut de la langue française. Il nous traite comme une minorité parmi d’autres dans son grand bazar multiculturel et dérègle l’intégration des immigrants. Il nous a imposé une constitution sans croire nécessaire de nous voir la signer. Il a réinventé le pouvoir de désaveu en permettant à la Cour suprême d’invalider les lois adoptées par l’Assemblée nationale. C'est lui qui décide ce que nous avons le droit ou non de faire avec nos institutions. On pourrait poursuivre longtemps cette liste. Si nous y restons, il finira par nous digérer.
Je lui souhaite certainement bonne fête. Mais je ne nous la souhaite pas. Aujourd’hui, ce n’est pas la nôtre.