Plus tôt, le vice-président aux opérations et aux stratégies clients d'Investissement Québec, Yves Lafrance, qui était en poste à titre de directeur général par intérim au moment de la vente, a lui aussi été formel : Jacques Daoust, alors ministre, a été informé de cette décision et il a donné son accord.
M. Lafrance a expliqué que la décision de vendre les actions de Rona avait été prise le 17 novembre 2014 par Investissement Québec. Le risque que Rona fasse l'objet d'une offre d'achat hostile était écarté et il était opportun de vendre les actions, d'un point de vue d'affaires, a-t-il dit.
Bien que le conseil d'administration d'Investissement Québec ait eu le pouvoir de prendre cette décision de son propre chef, tous les membres ont jugé qu'il était « préférable » d'en parler à Jacques Daoust.
« Il a été décidé de consulter le ministre pour non pas lui demander un accord formel – on n'avait pas besoin de ça – mais [pour] connaître sa position par rapport à la transaction, et s'il y avait des objections, qu'il nous les fasse savoir », a expliqué M. Lafrance.
Les documents officiels d'Investissement Québec indiquent d'ailleurs que la décision du C. A. de la société d'État a été prise « sous réserve d'une consultation auprès du ministre responsable de la société ».
Il a été jugé nécessaire de faire la démarche auprès du ministre. Ce n'était pas anodin. Je ne peux pas prétendre par avance que ça aurait changé la décision s'il y avait une réponse négative, mais ça aurait été un point important.Yves Lafrance
M. Lafrance soutient qu'il a donc prévenu le chef de cabinet Pierre Ouellet, avant le 21 novembre, « probablement » le 17 novembre au soir ou le 18 novembre au matin, soit dans les heures qui ont suivi la décision du C. A. d'Investissement Québec.
C'est à défaut d'avoir obtenu une réponse claire du ministre que Jean-Jacques Carrier, vice-président principal d'IQ, a écrit à M. Ouellet le 26 novembre pour demander si le ministre Daoust était d'accord avec la vente des actions de Rona.
Selon M. Lafrance, il ne faisait donc aucun doute que M. Ouellet « savait parfaitement de quoi on parlait, et qu'il devait donner une réponse ».
Lorsque la députée péquiste Agnès Maltais lui a demandé s'il était clair qu'il cherchait à avoir l'avis du ministre, M. Lafrance a répondu : « Madame, ça ne pouvait pas être plus clair que ça »
Le 26 novembre, nous, on considère qu'on a eu une réponse [...] Pour nous, le 26 novembre, il a rendu une décision.Yves Lafrance
Position ou autorisation du ministre?
Le député péquiste Alain Therrien a indiqué qu'il y a clairement eu un problème important d'interprétation entre ce que voulait IQ et ce qu'a donné le ministre en guise de réponse. « Le ministre, lui, il s'en est lavé les mains. Mais ce n'est pas ça qu'Investissement Québec comprend là-dedans. »
L'utilisation du mot « position » dans le procès-verbal de la réunion du C. A. d'IQ a certes semé la confusion, a admis Louis Roquet, ex-président du conseil d'administration d'IQ. « Selon moi, les procès-verbaux du conseil d'administration d'Investissement Québec - et je les ai signés, et c'est une erreur que j'ai faite - auraient dû référer non pas à une consultation du ministre, mais à son information préalable. Ce faisant, la réalité aurait été adéquatement reflétée et l'imbroglio actuel aurait sans doute été évité », a dit M. Roquet.
M. Ouellet affirme ne pas avoir été mis au courant du fait que le C. A. d'IQ attendait une autorisation du ministère pour procéder à la vente. « C'est une information que je n'avais pas et les courriels, tant celui de M. Carrier que celui de M. Paquet, ne font nullement mention de la mention "sous réserve de l'approbation du ministre". Et [au moment de] l'échange que j'ai eu avec le ministre le 26 novembre, avoir eu le « sous réserve » à l'esprit aurait peut-être changé des choses. »
D'autres témoins confirment que M. Daoust savait
Plus tôt en matinée, les parlementaires avaient entendu les témoignages de Mario Albert, PDG d'Investissement Québec de juillet 2013 à août 2014, et de Jean-Claude Scraire, qui a été président du C. A. de juillet 2013 à mai 2014.
Tous deux ont confirmé qu'ils cherchaient à obtenir l'avis du ministre quand ils contactaient son chef de cabinet.
« En passant par le chef de cabinet, c'est clair qu'on ne souhaite pas avoir l'opinion personnelle du chef de cabinet, on souhaite avoir l'opinion du ministre », a dit M. Albert. « C'est clair que la mécanique de passer par le chef de cabinet, c'est une façon correcte d'atteindre le ministre. »
M. Ouellet dit ne pas avoir informé le bureau du premier ministre
Questionné à plusieurs reprises sur le sujet, Pierre Ouellet a soutenu ne pas avoir parlé au cabinet du premier ministre à propos de ce dossier. « La première fois que j'en ai parlé avec le cabinet du PM, c'est après la publication du rapport de la vérificatrice générale [en juin 2016]. » M. Ouellet a ajouté qu'à ce moment, il n'a pas mentionné le fait que le ministre Daoust était au courant de la vente imminente des actions de Rona.
Les députés de l'opposition ont paru abasourdis par cette affirmation. « Ce que vous venez de dire est inconcevable. Vous détenez une information et vous ne la transmettez pas au cabinet du PM », a lancé Agnès Maltais, du Parti québécois, faisant écho à la réaction de son collègue Alain Therrien.
En voyant votre ministre qui fait tout pour s'en laver les mains, vous voyez, justement, Investissement Québec qui vous fait de la pression pour que vous ayez l'accord du ministre, puis le ministre se sauve pour ne pas le donner puis, vous, en aucun temps, vous n'en parlez au cabinet du premier ministre? Pour vrai?Alain Therrien, député du PQ
Le bureau du premier ministre veut faire porter le blâme à Jacques Daoust, a affirmé le député de Québec solidaire Amir Khadir, qui demande maintenant que le chef de cabinet de Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne, témoigne lui aussi en commission parlementaire.