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dimanche, décembre 04, 2016

Cuba enterre Fidel Castro et ouvre un nouveau chapitre de son histoire

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Publié le 04 décembre 2016 à 07h24 | Mis à jour à 07h31
Les funérailles ont débuté vers 7h00 peu après... (PHOTO PEDRO PARDO, AGENCE FRANCE-PRESSE)
Les funérailles ont débuté vers 7h00 peu après l'arrivée au cimetière de Santa Ifigenia
du cortège funèbre contenant les cendres du «Comandante».
PHOTO PEDRO PARDO, AGENCE FRANCE-PRESSE
KATELL ABIVEN
Agence France-Presse
Santiago de Cuba
Cuba enterrait dimanche Fidel Castro à Santiago de Cuba, berceau de la révolution castriste dans l'est du pays, lors d'une cérémonie intime qui vient clore neuf jours de deuil et tourner la page de plus d'un demi-siècle d'histoire de l'île.
Les funérailles ont débuté vers 7h00 peu après l'arrivée au cimetière Santa Ifigenia du cortège funèbre contenant les cendres du «Comandante», qui a gouverné sans partage sur l'île caribéenne pendant près d'un demi-siècle.
À l'entrée du cimetière, une foule de plusieurs milliers de personnes a scandé «Viva Fidel» au passage de l'urne recouverte d'une coque de verre, placée sur une remorque tirée par une jeep militaire.
Ces funérailles se tiennent en famille et en présence de quelques dignitaires cubains et étrangers triés sur le volet. La presse étrangère était tenue à bonne distance de la nécropole et la télévision d'État ne retransmettait pas cette cérémonie présentée comme «simple» par le président Raul Castro, qui a succédé à son frère en 2006.
Adulé ou honni, Fidel Castro a forgé le destin de son pays et défié la superpuissance américaine pendant près de 50 ans. Il reposera à côté du mausolée de José Marti, père de l'indépendance de Cuba, et d'autres héros nationaux enterrés dans cette nécropole.
Le cimetière était fermé aux visiteurs depuis plusieurs jours, entretenant le doute sur l'apparence de la future sépulture du «Comandante», qui avait cédé le pouvoir à son frère Raul en 2006 à la suite d'une grave opération intestinale. On ignorait encore dimanche quand il serait de nouveau ouvert au public.
Ces ultimes cérémonies scellent la fin d'un deuil national de neuf jours décrété après le décès de Fidel Castro, au cours duquel les autorités et les médias d'État ont répété à l'envi que l'enjeu était désormais de pérenniser le legs du père de la révolution socialiste.
Samedi soir, Raul Castro a juré, devant les cendres de son frère, de «défendre la patrie et le socialisme», lors d'une cérémonie d'hommage tenue place de la Révolution Antonio Maceo de Santiago.
Fidel «a démontré que cela est possible, qu'on peut renverser tout obstacle, menace, soubresaut dans notre détermination à construire le socialisme à Cuba», a-t-il insisté.
Ni statue ni monument
Prenant de court beaucoup de Cubains, Raul Castro a aussi annoncé qu'aucun lieu ni monument ne porterait le nom de Fidel Castro à Cuba à l'avenir.
«Le leader de la révolution rejetait toute manifestation du culte de la personnalité et a été constant dans cette attitude jusque dans ses dernières heures», a-t-il expliqué.
Pourtant, selon Ted Piccone, spécialiste de l'Amérique latine au sein du centre d'études américain Brookings, cela n'empêchera pas «sa mémoire de planer sur Cuba pendant longtemps».
«Considérant l'énorme impact qu'il a eu à Cuba et dans la région, il ne s'agit pas vraiment d'adieux», estime encore l'expert.
Mais après le décès de Fidel, tous les regards sont désormais braqués sur Raul Castro, qui depuis dix ans mène une lente et timide ouverture de l'économie cubaine, et a été l'artisan d'un spectaculaire rapprochement avec les États-Unis et d'un retour progressif de Cuba dans le concert international.
Tous les «Fidélistes» interrogés à Santiago par l'AFP assurent faire confiance à Raul - qui se retirera en 2018 - et à ses successeurs pour perpétuer la révolution.
«J'ai confiance en Raul parce que Raul est le frère de Fidel, et Fidel lui a tout appris et tout légué», assure Irina Hierro Rodriguez, professeure de 23 ans.
«Aucune société n'est parfaite. Le concept de la révolution est de changer ce qu'il faut changer: si c'est pour perfectionner notre modèle économique, tant mieux», glisse de son côté Marta Loida, professeure d'université de 36 ans.
Depuis lundi, une série d'hommages ont eu lieu à La Havane, puis dans de nombreuses villes du pays traversées par le convoi qui a transporté les cendres du «Comandante» jusqu'à Santiago, ville portuaire sise au pied des montagnes de la Sierra Maestra, d'où la guérilla castriste a lancé la révolution qui l'a porté au pouvoir en 1959.
Massés par centaines de milliers au bord des routes, les Cubains ont aussi été incités à parapher dans chaque quartier, chaque village, des registres pour «jurer» de défendre l'héritage socialiste de celui qui restera pour eux le «Commandant en chef».

Aucun lieu ni monument ne sera baptisé en l'honneur de Fidel Castro

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Publié le 03 décembre 2016 à 20h38 | Mis à jour le 03 décembre 2016 à 20h49
Fidel Castro, décédé le 25 novembre à l'âge... (AFP, Juan Barreto)
Fidel Castro, décédé le 25 novembre à l'âge de 90 ans, a toujours refusé
 que l'on baptise des endroits publics en son honneur alors qu'il était au pouvoir.
AFP, JUAN BARRETO
Associated Press
SANTIAGO
Le gouvernement cubain interdira que des rues ou des monuments publics soient nommés en l'honneur de Fidel Castro afin de respecter le voeu de l'ancien dictateur de ne pas voir se développer un culte de la personnalité, a annoncé le président du pays, Raul Castro, samedi.
Devant une foule rassemblée pour rendre hommage à son défunt frère à Santiago, Raul Castro a indiqué que l'Assemblée nationale du pays adoptera une loi visant à empêcher de donner le nom de Fidel Castro aux «institutions, aux rues, aux parcs ou autres lieux publics, ou de (lui) ériger une statue, un buste ou toute autre forme d'hommage».
«Conformément à la décision du camarade Fidel, nous présenterons à l'Assemblée nationale (..) les propositions législatives nécessaires pour le respect de sa volonté», a déclaré Raul Castro.
Fidel Castro, décédé le 25 novembre à l'âge de 90 ans, a toujours refusé que l'on baptise des endroits publics en son honneur alors qu'il était au pouvoir.
Par ailleurs, les cendres de Fidel Castro sont arrivées dans la ville de Santiago, concluant un parcours sur quatre jours à travers le pays.
Des milliers de personnes ont salué le passage des cendres du dirigeant cubain en scandant «Fidel! Je suis Fidel!». L'ancien président est décédé, le 25 novembre, à l'âge de 90 ans. Sa mémoire sera honorée à l'occasion d'une cérémonie télévisée organisée par son frère, le président Raul Castro, samedi soir. Ses restes seront enterrés dimanche matin, mettant un terme à une période de neuf jours de deuil national.
Depuis sa mort, des manifestations d'adulations publiques se sont multipliées, particulièrement dans l'est rural. Des foules imposantes ont crié son nom et se sont rassemblées en bordure de route pour saluer la procession funéraire ayant amené ses restes de La Havane à Santiago.
Raul Castro jure de «défendre le socialisme»
Le président cubain Raul Castro a juré samedi soir de «défendre la patrie et le socialisme».
«Devant les restes de Fidel (...) dans la cité héroïque de Santiago de Cuba, nous jurons de défendre la patrie et le socialisme», a déclaré Raul Castro lors d'une soirée d'hommage à Fidel Castro dans cette ville de l'est du pays.
- Avec AFP

samedi, décembre 03, 2016

Le crime de Fidel

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Publié le 03 décembre 2016 à 05h00 | Mis à jour à 05h00
« La grande faute de Fidel Castro est moins... (Photo Franklin Reyes, Associated Press)
« La grande faute de Fidel Castro est moins dans le maintien de l'oppression que dans le colossal échec économique de la révolution », juge Alain Dubuc.
PHOTO FRANKLIN REYES, ASSOCIATED PRESS
ALAIN DUBUC
La Presse
Comme c'est souvent le cas dans les dossiers internationaux, on s'est regardé le nombril. Au lieu de profiter du décès de Fidel Castro pour réfléchir aux leçons que l'on peut tirer de l'aventure cubaine, on a consacré beaucoup d'encre et de salive à un angle canadien, la déclaration trop élogieuse du premier ministre Justin Trudeau.
Notre premier ministre a certainement manqué de jugement en omettant, dans son hommage au Lider Maximo, de mentionner qu'il était à la tête d'une dictature. Un faux pas qui révèle ce que l'on savait déjà, la tendance du premier ministre à voir le côté positif des choses et des gens, le manque de finesse de ses analyses géopolitiques. Je suis cependant très mal à l'aise avec les critiques voulant que cette déclaration froisse Donald Trump. Jusqu'où faudrait-il épouser les méandres de la pensée de l'électron libre qui occupera bientôt la Maison-Blanche ?
Ce qui m'a frappé toutefois, c'est l'indignation à géométrie variable.
Il n'y a pas longtemps, en janvier 2015, le premier ministre Harper avait émis une déclaration tout aussi sans nuances à la mort d'un autre grand despote, le roi Abdallah d'Arabie saoudite, sans que cela fasse autant de vagues.
À chacun son dictateur.
J'ai écrit sur Cuba il n'y a pas longtemps, après la visite de Justin Trudeau. C'est un pays dont le cheminement unique impose une foule de pistes de réflexion. Que serait-il arrivé à Cuba s'il n'y avait pas eu de révolution castriste ? Si l'étau de la dictature communiste s'était desserré plus rapidement ? Comment le pays sera-t-il équipé pour profiter de la période de changement qui l'attend ?
Il est difficile de juger de l'histoire de ce pays, sans tenir compte du contexte dans lequel est survenue la révolution cubaine. D'abord le fait que les révolutionnaires dirigés par Fidel Castro visaient à renverser la dictature brutale et corrompue de Fulgencio Batista, soutenue par la mafia américaine. Ensuite, le fait que ces rebelles nationalistes, qui n'étaient pas communistes au départ, aient été poussés dans les bras de l'URSS en bonne partie par la réaction excessive des Américains qui ont combattu les castristes et soutenu les partisans du régime Batista.
Ce modèle a permis une grande réalisation, l'accélération des progrès sociaux. Le Commonwealth Fund, l'organisme international connu pour ses comparaisons des systèmes de santé, a rappelé cette semaine que le taux de mortalité infantile cubain, à 4,3 pour 1000 naissances, est inférieur aux 5,8 des États-Unis. L'espérance de vie, à 78,7 ans, se rapproche des 79,8 du géant américain. Les indicateurs de l'éducation sont par ailleurs du niveau des pays membres de l'OCDE.
C'est un succès remarquable. Mais à quel prix ?
Si, au bout de 20 ans, le régime s'était adouci, on aurait pu dire que la méthode dure, quand elle est temporaire, pouvait être un accélérateur de progrès.
Mais il est plus facile d'installer un régime communiste que d'en sortir. Fidel Castro a écrasé le pays avec un régime qui a emprisonné, muselé la dissidence, empêché la liberté de la presse pendant un demi-siècle. Cette dictature s'est adoucie depuis une décennie. La presse libre n'existe toujours pas, on compte encore un petit nombre de prisonniers politiques, mais le régime recourt plutôt à des arrestations de courte durée des dissidents dans un système de harcèlement et d'intimidation. Sans banaliser ces excès, on peut néanmoins dire que le sort d'un dissident cubain est préférable à celui d'un dissident chinois ou saoudien.
La grande faute de Fidel Castro est moins dans le maintien de cette oppression que dans le colossal échec économique de la révolution. Après avoir vivoté avec le soutien artificiel de l'URSS, l'économie cubaine s'est littéralement désintégrée avec l'effondrement du bloc soviétique. Ce qui est unique à Cuba, c'est que Fidel Castro s'est accroché au modèle d'économie planifiée abandonné partout ailleurs, même au Vietnam, et qu'encore aujourd'hui, les réformes de son successeur, son frère Raoul, sont d'une désolante timidité.
C'est là le grand crime de Fidel Castro. Cette orthodoxie économique a mené à une véritable catastrophe, qui ne s'explique pas seulement par l'embargo américain. Le peuple a eu faim parce que le régime est incapable de le nourrir, forcé de recourir à d'humiliants expédients pour combattre la misère. Les 1,5 million d'exilés cubains aux États-Unis sont presque tous des réfugiés économiques, qui ont parfois risqué leur vie pour fuir Cuba. Sans banaliser la répression politique, on peut dire que cet échec économique a fait beaucoup plus de ravages.
Mais tout n'est pas dit sur Cuba. Le pays a de solides atouts - l'éducation, une main-d'oeuvre très qualifiée, un certain sens de l'organisation, une fierté collective. On verra, dans les années qui viennent, jusqu'où ce potentiel permettra aux Cubains de se développer lorsque la société cubaine finira par se libérer. Et c'est à ce moment que l'on pourra faire le bilan complet de la révolution cubaine.