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Publié le 30 janvier 2017 à 15h52 | Mis à jour le 31 janvier 2017 à 06h57
Publié le 30 janvier 2017 à 15h52 | Mis à jour le 31 janvier 2017 à 06h57
Pendant quelques heures, lundi, Mohamed Belkhadir a été identifié à tort comme un deuxième suspect en lien avec l'attentat de Québec. PHOTO PASCAL RATTHÉ, LE SOLEIL |
VINCENT LAROUCHE
La Presse
La Presse
(Québec) Il est entré dès que les balles ont cessé de siffler. Malgré sa peur, malgré le danger, il voulait porter secours aux fidèles dans la mosquée. Dans la confusion, il s'est retrouvé menotté et détenu toute la nuit comme suspect de terrorisme. Mais ça va. Il comprend.
Pendant plusieurs heures, lundi, Mohamed Belkhadir a été identifié à tort comme un deuxième suspect en lien avec l'attentat de Québec. L'arrestation de cet étudiant en génie, musulman d'origine marocaine, près du lieu du drame, a suscité bien des débats sur les motifs de l'attentat.
En fait, il s'agissait d'une terrible méprise. Après avoir participé à la prière, le résidant de Sainte-Foy était sorti déneiger les escaliers extérieurs de la mosquée. Il n'a pas vu le tireur faire irruption dans le lieu de culte, mais il a entendu les détonations, «pendant 15 à 20 secondes», a-t-il raconté en entrevue à La Presse, les traits tirés de fatigue.
Le réflexe
Il s'est précipité à l'intérieur quand les tirs ont cessé. «C'est le réflexe quand quelqu'un est blessé. On ne peut pas le laisser. C'est un acte d'humanité partagé par tout le monde, pas seulement les musulmans», dit-il modestement, en insistant pour qu'on ne fasse pas de lui une vedette ou un héros.
Le tireur était déjà parti. Des morts et des blessés jonchaient le sol. Mohamed Belkhadir a téléphoné au 9-1-1 pour demander de l'aide et donner l'adresse aux services d'urgence. Il s'est penché pour couvrir un blessé avec son manteau. C'est peu après qu'une grande frayeur l'a envahi.
«J'ai vu quelqu'un avec une arme. Je ne savais pas que c'était un policier, je croyais que c'était quelqu'un qui revenait pour tirer. Alors j'ai fui à l'extérieur, du côté du stationnement», dit-il.
«Je respecte qu'ils m'aient attrapé»
Les policiers dépêchés sur place, eux, n'ont vu qu'un homme qui s'élançait pour fuir les lieux de la tuerie à leur approche. Ils lui ont sauté dessus et l'ont mis en état d'arrestation.
«Je comprends, je respecte qu'ils m'aient attrapé. Ils m'ont vu fuir, ils ont pensé que j'étais suspect, c'est normal. Pour eux, quelqu'un qui fuit, c'est un suspect», affirme Mohamed Belkhadir.
Il assure que les policiers de Québec ont été «très gentils» avec lui. Ils ont desserré ses menottes quand il s'est plaint qu'elles lui faisaient mal. Ils lui ont offert du thé et de la nourriture et l'ont laissé dormir sur un matelas au poste.
Le faux suspect s'inquiétait tout de même. Personne n'aime voir son nom associé à un dossier de terrorisme. Surtout un immigrant qui travaille fort pour s'intégrer dans son nouveau pays. «Je m'imaginais ne plus pouvoir travailler, ne plus pouvoir aller à l'université, ne plus pouvoir suivre mes rêves», raconte-t-il.
Puis, les policiers lui ont annoncé la bonne nouvelle. «Ils m'ont dit: ‟Mohamed, heureusement, tu n'es pas suspect, tu es témoin".» Il a été relâché.
Beaucoup d'appuis
Il est rentré chez lui, brûlé, mais pas fâché, en pensant à cette double «erreur d'interprétation», tant de sa part que de celle de policiers.
Plusieurs de ses amis, voisins et connaissances attendaient de ses nouvelles. Certains avaient dû évacuer leur logis, les mains en l'air, alors que des membres du groupe tactique d'intervention, craignant la présence d'autres terroristes, les mettaient en joue.
Mais aucun n'avait cru que Mohamed Belkhadir puisse être mêlé à un acte terroriste. Ils étaient nombreux à l'avoir affirmé aux journalistes pendant la journée.
«Si tu veux résumer Mohamed Belkhadir, c'est: humanité. Je suis sûr à 100% que ce n'est pas lui», a déclaré Noubir Ben Ali, un ami qui attendait nerveusement des nouvelles.
«Il n'aurait pas fait ça, il fréquente ce centre, ce sont des gens qu'il côtoie. Je crois qu'il était juste au mauvais endroit au mauvais moment», assurait une jeune femme croisée dans la maison de chambres pour étudiants où il habite.
Même son propriétaire, Bernard Blaise, se promenait de porte en porte et assurait à tout le monde que son locataire serait bientôt libéré. «C'est un très bon garçon», insistait-il.
«Il devrait être dédommagé pour les dommages psychologiques qu'on lui cause avec ça.»