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PUBLIÉ AUJOURD'HUI À 5 H 06
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Les explications d'Emmanuelle Latraverse Photo : Radio-Canada |
Baisses d'impôts, allocation canadienne pour enfants, approbation d'oléoducs, entente sur les changements climatiques, l'année 2016 a été faste pour le gouvernement Trudeau. L'année 2017 s'annonce autrement plus difficile. La nouveauté s'estompe, le premier ministre traîne les conséquences des choix de sa première année au pouvoir et, surtout, il sera confronté à des enjeux hors de son contrôle. 2017 sera-t-elle l'année de tous les dangers?
Une analyse d’Emmanuelle Latraverse
Un hiver rigoureux
L’Almanach du vieux fermier l’a prédit, l’hiver 2017 s’annonce froid, enneigé. À Ottawa, ce vent froid – pour plusieurs, inquiétant – commencera à souffler dès le 20 janvier avec l’inauguration de la présidence de Donald Trump aux États-Unis.
Justin Trudeau a opté pour une approche pragmatique face à son futur partenaire américain. Il le décrit comme un homme d’affaires qui veut faire des « deals ».
On n’ose imaginer la scène de leur première rencontre.
Est-ce que notre premier ministre libéral qui prêche l’idéalisme et l’optimisme trouvera une brèche pour amadouer un président plutôt fataliste qui carbure à la colère et à la peur?
Est-ce que l’idéal de Justin Trudeau – de réformer l’économie pour réduire les inégalités et aider la classe moyenne – peut vraiment se concilier avec la promesse de Donald Trump de faire un grand ménage aux États-Unis et de redonner emplois et prospérité aux Américains négligés? La rationalité l’emportera-t-elle sur l’impulsivité?
On peut dire qu’un froid glacial s’est également abattu sur les relations entre Ottawa et plusieurs provinces sur le front de la santé.
Les ententes bilatérales conclues avec les provinces atlantiques avant Noël changent le rapport de forces. Par la voie de son ministre des Finances, Justin Trudeau a envoyé le signal que son « fédéralisme coopératif » a des limites, celles de son programme électoral et des réformes qu’il veut imposer en santé.
La glace est mince, tout particulièrement avec les relations avec le Québec.
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Tout cela va nous mener au choix le plus important du gouvernement cette année : le budget.
Sera-t-il dévoilé tôt cet hiver ou fin février-début mars? On peut toutefois déjà le définir comme étant le choix le plus difficile que les libéraux auront à faire.
Il était plus facile l'an dernier – portés par l'euphorie de la victoire – d'offrir un budget qui touchait directement le portefeuille des gens grâce aux baisses d’impôts et à la généreuse allocation pour enfants.
Mais il ne faut pas oublier que le cœur du pacte des libéraux est de créer une croissance économique plus robuste afin de contrer finalement les inégalités.
Si le budget de la première année de mandat de Justin Trudeau a coulé les fondations de sa vision économique, celui de deuxième année doit ériger les murs de la maison.
Dans un climat économique précaire, l'architecture sera cruciale, d'autant plus que le gouvernement a déjà dépensé la part du lion de sa marge de manœuvre avec son vaste plan en infrastructures dévoilé lors de la mise à jour de novembre.
Un printemps délicat
Les rayons de soleil et les bourgeons dans les arbres ne suffiront certainement pas à résoudre les questions auxquelles les libéraux doivent répondre pour remplir deux de leurs promesses phares. On pense bien sûr au fiasco de la réforme électorale. Sur ce front, les libéraux soufflent le chaud et le froid, oscillent entre la mauvaise foi et les idéaux de leur campagne.
En entrevue avec Patrice Roy, Justin Trudeau a tout de même réitéré son engagementàdoter le Canada d’un nouveau mode de scrutin d’ici 2019. Le printemps sera déterminant, c’est l’échéance incontournable pour trouver un compromis et adopter une nouvelle loi et ainsi donner le temps au Directeur général des élections de mettre en œuvre cet immense chantier.
Or, difficile d’entrevoir une embellie sur ce front dans le climat de méfiance et de récriminations entre la ministre Maryam Monsef et l’opposition.
Avec l’arrivée des bourgeons verts dans les arbres, ceux du cannabis occuperont beaucoup de place dans le débat politique.
C’est en effet au printemps que le gouvernement dévoilera finalement son projet de loi sur la légalisation de la marijuana. D’importants problèmes en santé et en sécurité publique à résoudre d’ici là.
Comment légaliser la marijuana, tout en resserrant l’accès à cette substance. La détermination du gouvernement sera mise à l’épreuve bien avant, notamment quand il faudra décider de la façon de gérer les magasins qui ouvrent leurs portes, comme à Montréal.
Le gouvernement Trudeau devra surtout faire coïncider sa promesse de protéger le public et les jeunes avec la perception que légaliser veut dire normaliser la marijuana.
C’est là un test qu’il devra passer bien avant le moment où il soumettra son projet de loi. Parlez-en aux parents qui habitent à proximité des dispensaires et des magasins de toutes sortes qui poussent comme des champignons à Toronto, à Québec et à Montréal.
Un été nationaliste
C'est un peu tôt pour en parler, me direz-vous, mais la longue fin de semaine de mai a toujours marqué dans mon esprit le début de l’été : il fait chaud, on jardine...
C’est à ce moment que deux visions du Canada pourraient s’affronter : la vision libérale, qui colorera les fêtes du 150e anniversaire du Canada, et la vision conservatrice, que voudra rapidement imposer le futur chef du Parti conservateur.
Car c’est avec les premiers semis, les tulipes et les premières soirées sur les terrasses que les conservateurs choisiront un nouveau chef, les 27 et 28 mai.
Il est vrai qu’avec 14 candidats il y a de quoi en perdre son latin. Même les journalistes politiques ont de la difficulté à s’y retrouver. Mais le choix n’en demeure pas moins crucial. C’est l’après-Harper qui se dessine.
Or, en ce moment, la course se définit davantage par un fractionnement du parti. Il y a la droite sociale, incarnée par le libertarien pour une droite strictement économique et un recul du rôle de l’État – lire ici Maxime Bernier –, une droite plus centriste et plus verte, et une droite identitaire et populiste prônée par Kellie Leitch.
Mais, au-delà de l’avenir du Parti conservateur, cette course nous donnera enfin un début de réponse à la question : une partie importante de l’électorat canadien est-elle tentée par le rejet de l’ordre établi qui a ébranlé les colonnes du temple politique de Londres à Washington, du Brexit à Donald Trump?
Un automne orange?
Les néo-démocrates quant à eux ne pourront qu’espérer que les violons longs de l’automne feront oublier la peine des jours anciens d’octobre 2015.
Eh oui, on l’oublie parfois, mais Thomas Mulcair est un chef en sursis, ou plutôt un simple régent, qui assure la direction du parti en attendant le grand jour.
On l’a presque oublié, mais le NPD est en pleine course à la direction. Le problème, c’est qu’il n’y a encore aucun candidat pour briguer les honneurs de rebâtir le parti des cendres de son dernier congrès.
Plus que la défaite électorale d’octobre, le congrès de mai 2016 a mis au jour une profonde ligne de fracture au sein du parti : fracture idéologique, fracture tactique, fracture géographique.
Faut-il se distinguer des libéraux en amorçant un grand virage à gauche plus écologiste, au risque d’un schisme avec le fragile gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley, en Alberta? Ou opter pour un leadership plus centriste en évitant les écueils qui ont mené à la défaite de 2015?
L'année 2017 contribuera donc fortement à définir les forces en présence en vue des prochaines élections. Ce sera donc l’année de tous les dangers pour tous les politiciens.
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