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samedi, décembre 10, 2016

Appelez-le maintenant Bernard «Trump» Gauthier

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Emy-Jane Déry

Le Journal a sillonné la Côte-Nord où le nouveau chef de parti est une vedette

 HAVRE-SAINT-PIERRE  |  Les gens de la Côte-Nord le surnomment désormais Bernard Trump. Le langage cru et les positions contre l’élite du célèbre syndicaliste sont en train de séduire.
Les travailleurs du local 791 de la FTQ-Construction à Sept-Îles appuient Rambo dans ses projets politiques. De gauche à droite, Christian Bouchard, Ken Richard, Bernard Gauthier, Marc Bérubé, Vital Bujold et Sébastien Labonté. «Il se bat avec son cœur et ses tripes, ça va faire changement des fameux bandits à cravate», explique le syndicaliste Dorima Aubut entre deux bouchées de crevettes nordiques.
«Il dit les vraies choses de la bonne manière. Avec notre Bernard Trump, la game ne sera pas pareille», ajoute Marc Petitpas, un opérateur de machinerie.
Le Journal a parcouru le pays de Rambo, de Tadoussac à Havre-Saint-Pierre, pour discuter avec les citoyens des circonscriptions de René-Lévesque et de Duplessis, où il représente maintenant le parti Citoyens au pouvoir.
Depuis que Bernard Gauthier a annoncé qu’il prenait la tête de Citoyens au pouvoir, mardi, près de 70 personnes désirant porter ses couleurs dans différentes circonscriptions de la province ont soumis leur candidature au parti. Des comtés près de Québec et de Montréal sont du lot, selon l’organisation.
Mais l’homme aux propos controversés, au sujet des immigrants entre autres, a aussi ses détracteurs dans la région. Le long de la route 138, qui borde le fleuve, plusieurs personnes ont refusé de commenter l’arrivée de Rambo en politique, estimant qu’il s’agit d’un «terrain glissant».
Jeudi, Bernard Gauthier était attablé avec une dizaine d’autres syndicalistes dans un petit restaurant de Havre-Saint-Pierre, où il a même pris quelquesselfies avec des admirateurs.
Faire entrer les libéraux
Certains de ses compatriotes arrivaient de Montréal pour venir rencontrer des travailleurs du chantier de la Romaine. Tout le monde savourait un authentique repas de fruits de mer, et les projets politiques de Rambo étaient sur toutes les lèvres.
«Son franc-parler, c’est sa force. Il ne parle pas en politicien, il parle des vraies affaires, de ce qui se passe vraiment», renchérit Dorima Aubut.
Un des partisans de Rambo, Yvon Petitpas, se réjouit de l’impact qu’il pourrait avoir sur le vote aux prochaines élections provinciales.
Il estime qu’en allant chercher des votes péquistes, il pourrait au moins permettre aux libéraux d’accéder au pouvoir dans le comté péquiste depuis 1976.
«Le PQ n’a jamais fait de barrage, mais Rambo, il nous aiderait à reprendre le contrôle en laissant une chance aux libéraux, question qu’on soit enfin représentés par le parti majoritaire», dit celui qui espère que Gauthier réussira à entraîner des projets de développements économiques dans son village, de la même manière qu’il a su faire travailler «son monde» comme représentant syndical.

L’ENGOUEMENT SURPREND LE SYNDICALISTE

Bernard Gauthier est lui-même étonné de l’enthousiasme des gens face à son arrivée en politique.
«Il y a une couple d’années, je n’aurais jamais pensé me ramasser là. On faisait notre petite affaire au niveau régional, mais que ça s’étende dans la province? Je n’y aurais jamais cru», admet Bernard Gauthier qui, à 51 ans, a décidé de faire le grand saut en politique.
«Et là, nous sommes rendus avec une liste d’attente de candidats qui veulent se présenter dans des circonscriptions, c’est capoté», poursuit le nouveau chef du parti Citoyen au pouvoir.
«Certains disent: “J’adhère au parti, mais ce n’est pas pour le parti, c’est pour toi.” C’est «fucké» un peu, ça. Tu ne me connais pas, pourquoi tu dis ça?» a questionné Rambo Gauthier, qui dit apprivoiser sa nouvelle réalité de politicien au jour le jour.

La députée attaquée sur les réseaux sociaux

La députée péquiste de la circonscription de Duplessis, Lorraine Richard, a été la cible de propos menaçants de la part de partisans de Rambo par Facebook et par courriel, au point où elle a songé à porter plainte.
«Ça n’arrêtera pas, j’en suis convaincue. Je sais que ça va prendre de l’ampleur, parce qu’il allume une poudrière», estime Mme Richard, élue depuis 2003.
Son équipe et elle ont finalement décidé d’attendre de voir comment les choses vont évoluer avant de porter plainte.
«Je n’ai pas peur de Bernard Gauthier, ajoute-t-elle. Je ne suis pas une personne qui se fait intimider facilement et je n’ai jamais eu peur d’aller au front. Mais il y a des limites. J’ai une famille, moi, des amis. Je peux vous dire que quand ils ont vu ces choses, ils étaient horrifiés.»
Mais même si elle a déjà été surnommée «la plante verte» par son nouveau rival Bernard Gauthier, celle qui est présentement leur députée n’entend pas se laisser abattre par l’arrivée du coloré personnage.
«S’il veut me traiter de plante verte, qu’il le fasse, mais je suis une plante qui a des piquants et qui brasse pas mal», dit-elle.

Le responsable de la mosquée inquiet

Originaire de Tunisie, Tahar Ben Rouine est responsable de la mosquée. Il habite la région depuis une trentaine d’années et opère un service de traiteur.
SEPT-ÎLES  |  Le responsable de la mosquée de Sept-Îles s’inquiète de l’impact que pourrait avoir sur la tolérance de la population le discours peu favorable à l’immigration tenu par Bernard Gauthier.
«Nous sommes le monde de chez lui, qu’il le veuille ou non. Nous avons notre statut, nous sommes des citoyens à part entière», exprime Tahar Ben Rouine, un Tunisien d’origine installé à Sept-Îles depuis une trentaine d’années.
«S’il ne veut pas nous voir la face ou autre chose, ça lui appartient. Moi, personnellement je n’attends pas après lui pour qu’il m’embauche quelque part», dit-il.
Dans la foulée de l’arrivée des immigrants syriens durant la dernière année, Rambo Gauthier a répété à maintes reprises sur la place publique qu’il fallait selon lui d’abord aider les gens dans le besoin.
«Moé sauver des étrangers au détriment des miens, ben y’en est crissement pas question! On est assez dans marde comme ça pour en rajouter!» avait-il entre autres écrit sur sa page Facebook.
De son côté, M. Rouine essaie de mettre sur pied une mosquée à Sept-Îles depuis 2014.
Il a déjà subi du vandalisme à plusieurs reprises sur son bâtiment. Il y a environ un mois, des individus ont réussi à entrer et ont tout saccagé au passage. Dans ce contexte, M. Rouine se dit préoccupé face à l’arrivée de Rambo Gauthier au sein de la joute politique de son comté.
«Oui, ça m’inquiète, mais ce que je prêche, c’est la tolérance, l’amour et l’amitié», souligne M. Rouine.
Bernard Gauthier assure pour sa part n’avoir rien contre les immigrants en général.
«Je suis seulement contre les gouvernements qui en font venir en masse uniquement pour aller se chercher des votes», commente-t-il. 

Il reflète notre réalité, dit un père de famille

Guy Jomphe d'Havre-St-Pierre travaille à la mine QIT Fer et Titane où des mises à pied ont eu lieu dernièrement et il donnera son vote è Bernard Gauthier parce qu'il croit qu'il est la solution aux problèmes d'emplois dans la région. Photo : Emy-Jane Déry
Le discours de Rambo Gauthier semble trouver écho chez plusieurs pères de famille de la Côte-Nord.
C’est le cas de Guy Jomphe, qui travaille à la mine QIT Fer et Titane de Havre-Saint-Pierre, où les mises à pied sont fréquentes.
«Quand il parle, c’est notre réalité à nous qu’il reflète et son discours vient nous chercher», explique-t-il.
Le travailleur croit que Bernard Gauthier pourrait améliorer la situation d’emploi, qui est précaire dans sa région. Le représentant syndical milite depuis longtemps pour faire en sorte que les entrepreneurs soient tenus d’engager 80 % de main-d’œuvre locale sur les chantiers nord-côtiers.
«On est tannés de toujours devoir se battre pour pouvoir travailler chez nous et aussi contre la centralisation des services. C’est certain que Bernard peut apporter quelque chose là-dedans», souligne M. Jomphe.

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