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Publié le 19 octobre 2016 à 20h04 | Mis à jour le 20 octobre 2016 à 09h04
Publié le 19 octobre 2016 à 20h04 | Mis à jour le 20 octobre 2016 à 09h04
Hillary Clinton et Donald Trump sur scène à l'Université du Nevada à Las Vegas, mercredi soir.PHOTO AP |
(New York) À moins de trois semaines de l'élection présidentielle américaine, Donald Trump a refusé de s'engager à accepter le résultat du scrutin hier soir lors du troisième et dernier débat télévisé l'opposant à Hillary Clinton.
Cette résistance a constitué un des moments clés d'un débat qui avait commencé sur un ton civilisé, les deux candidats exposant leurs idées sur des sujets politiques qui dominent normalement la politique américaine, dont l'avortement et le contrôle des armes à feu.
Mais le modérateur du débat, Chris Wallace, a amené Trump sur un terrain beaucoup moins traditionnel en lui demandant si, dans l'éventualité d'une défaite, il accepterait ce verdict.
« Je vous le dirai le moment venu », a répondu Trump au journaliste de Fox News après avoir dénoncé des médias « corrompus et malhonnêtes » et des listes électorales contenant des millions de noms qui ne devraient pas y être. « Je vais vous tenir en haleine, OK ? »
CLINTON RIPOSTE
Prête à réagir à un tel refus, Clinton a aussitôt interjeté : « Chris, laissez-moi répondre à ça car c'est effrayant. Vous savez, chaque fois que Donald pense que les choses ne se passent pas comme il le souhaite, il dit que telle ou telle chose est truquée. [...] C'est une mentalité. Et c'est à la fois drôle et troublant. Ce n'est pas la façon dont notre démocratie fonctionne. Nous existons depuis 240 ans. Nous avons eu des élections libres et équitables. Nous avons accepté les résultats même si nous ne les avons pas toujours aimés. Et c'est ce que nous devons nous attendre de n'importe quel candidat présidentiel. »
Le refus de Trump a peut-être plu à ses partisans les plus fidèles, mais la position de Clinton a sans doute récolté l'approbation de la majorité des téléspectateurs qui ont suivi ce débat qui était celui de la dernière chance pour Trump.
Accusant un retard important dans les sondages nationaux et dans plusieurs États clés, le candidat républicain se devait de changer la donne de façon spectaculaire. Il n'y est pas parvenu.
Trump a certes tenté de présenter une image plus présidentielle. Il s'est montré plus discipliné, mieux préparé. De toute évidence, il cherchait à garder son sang-froid et à démontrer aux électeurs modérés qu'il pouvait tenir son bout face à sa rivale démocrate sur les questions de fond.
Mais Clinton a réussi à exploiter chacun des faux pas de son adversaire, et pas seulement sur la question de l'intégrité du processus électoral. Elle s'est notamment servie d'une question potentiellement embarrassante sur les révélations de WikiLeaks pour accuser Trump de témoigner une plus grande confiance à Vladimir Poutine qu'aux 17 agences de renseignement américaines. Celles-ci ont conclu récemment que la Russie menait une campagne de piratage informatique pour influencer les élections américaines.
« Donald Trump admettra-t-il que la Russie fait cela et le condamnera-t-il ? », a demandé Clinton.
« Je ne connais pas Poutine », a plus tard déclaré Trump avant d'affirmer que le président russe « n'a aucun respect pour cette personne ». En prononçant ces mots, le candidat républicain a montré du doigt Clinton.
Celle-ci a répliqué : « C'est parce qu'il préfère avoir une marionnette comme président des États-Unis. »
ACCUSATIONS D'ATTOUCHEMENTS
Trump a également connu des moments difficiles en répondant aux questions du modérateur sur les accusations d'attouchements non désirés formulées contre lui par 10 femmes.
« Premièrement, les histoires ont été largement discréditées », a-t-il dit. « Je ne connais pas ces personnes. Je crois que c'est sa campagne qui est responsable », a-t-il ajouté en accusant du même coup l'équipe de Clinton d'avoir fomenté la violence lors de certains de ses rassemblements, une accusation fondée sur une vidéo diffusée lundi par un activiste conservateur.
« Et je ne me suis même pas excusé auprès de ma femme qui est assise ici parce que je n'ai rien fait. »
Clinton a rappelé que Trump avait fait bien plus que nier les allégations des 10 femmes. « Il a tenu des rassemblements où il a déclaré qu'il ne pouvait pas avoir fait ces choses à ces femmes parce qu'elles n'étaient pas assez attirantes pour être agressées. »
« Je n'ai pas dit ça », a interjeté Trump.
Mais la réplique du candidat républicain manquait de fermeté. La frustration du magnat de l'immobilier a d'ailleurs fait surface vers la fin du débat après une autre attaque de sa rivale.
« Quelle femme méchante », a-t-il dit.
Pour leur dernier face-à-face, qui a eu lieu à Las Vegas, ville du divertissement par excellence, Hillary Clinton et Donald Trump ont joué le tout pour le tout.
AFP
LES FAITS SAILLANTS
Pour leur dernier face-à-face, qui a eu lieu à Las Vegas, ville du divertissement par excellence, Hillary Clinton et Donald Trump ont joué le tout pour le tout. Si Donald Trump a affirmé qu'il n'était pas certain d'accepter les résultats de l'élection du 8 novembre, Hillary Clinton a lancé que l'homme d'affaires était le « candidat le plus dangereux » de l'histoire politique récente du pays. Faits saillants de cette ultime empoignade, divisée en six rounds.
COUR SUPRÊME
Un des grands enjeux de la campagne présidentielle, le sort de la Cour suprême, a été le premier sujet abordé par le modérateur Chris Wallace, journaliste au réseau Fox News. Le prochain locataire de la Maison-Blanche nommera jusqu'à trois nouveaux juges au plus haut tribunal du pays. Sur ce sujet, les deux candidats ont rapidement fait leur lit. « Nous avons besoin d'une Cour suprême qui se tiendra debout et défendra les droits des femmes, les droits de la communauté LGBT, et qui dira non à Citizens United, une décision qui a nui à notre système électoral... », a dit Hillary Clinton.
Donald Trump a répliqué en affirmant qu'il comptait nommer des juges « pro-vie, avec un biais conservateur et qui protégeront le deuxième amendement » sur le port d'armes. Le candidat républicain a aussi avancé que s'il était élu président, la décision historique des tribunaux qui garantit le droit à l'avortement (Roe contre Wade) « sera immédiatement annulée ». Hillary Clinton a pour sa part dit que l'État n'avait pas de rôle à jouer dans la décision très intime qu'est un avortement.
IMMIGRATION
Le candidat républicain a réitéré qu'il avait l'intention, s'il était porté au pouvoir, de construire un mur séparant le Mexique et le sud des États-Unis. Il a affirmé du même souffle qu'une campagne serait lancée pour expulser les immigrants illégaux, en ciblant notamment des barons de la drogue. « Nous avons de très mauvais hombres [hommes] ici et nous allons les sortir du pays », a-t-il déclaré.
Hillary Clinton a déclaré qu'une telle campagne entraînerait une chasse à l'homme sans précédent qui serait « contraire à ce que nous sommes comme pays ».
Le débat s'est ensuite envenimé lorsque le modérateur a évoqué des courriels dévoilés par WikiLeaks, puis questionné plus en détail la candidate démocrate au sujet de sa position sur les frontières. Mme Clinton s'est indignée en relevant que les fuites avaient été orchestrées par la Russie, pressant son adversaire de se dissocier du président russe Vladimir Poutine au lieu de se comporter comme « sa marionnette ». Le candidat républicain a indiqué qu'il ne connaissait pas le dirigeant russe, avant de souligner avec insistance qu'il avait été beaucoup plus habile que Mme Clinton dans plusieurs dossiers, incluant la Syrie.
ÉCONOMIE
Dans le segment sur l'économie, le modérateur a demandé aux deux candidats d'expliquer plus en profondeur leur plan de création d'emplois. Le débat a vite dévié vers l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), adopté par Bill Clinton en 1994. « Nous allons renégocier l'ALENA. Ce que son mari a fait est terrible ! Si on ne peut pas avoir une bonne entente, je vais simplement écarter l'ALENA », a dit Donald Trump, affirmant que le libre-échange avait causé le départ de centaines de milliers d'emplois vers le Mexique et d'autres pays.
Hillary Clinton s'est moquée de sa position, rappelant que l'homme d'affaires avait lui-même exporté des emplois américains dans une douzaine de pays. « Il se promène avec ses larmes de crocodile, mais il a contribué lui-même au phénomène », a dit Hillary Clinton. « Parce que vous n'avez pas adopté de lois qui ne me permettaient pas de le faire ! », a répondu l'homme d'affaires.
RESPECT DU VOTE
Donald Trump, qui répète depuis plusieurs jours que l'élection présidentielle américaine est truquée, s'est fait demander par l'animateur du débat s'il entendait respecter le résultat du vote le 8 novembre prochain. Le candidat républicain s'est contenté de dire qu'il verrait le « jour venu ». « Je vais vous maintenir dans le suspense à ce sujet. »
Il a ensuite réitéré que les médias cherchaient, en le dénigrant, à « empoisonner le cerveau des électeurs », mais que le stratagème ne fonctionnerait pas. L'ex-secrétaire d'État s'est dite « terrifiée » par la position de son adversaire, relevant qu'il se plaignait systématiquement que les dés étaient pipés lorsqu'il perdait. « Ce n'est pas comme ça que notre démocratie fonctionne », a-t-elle relevé.
Les deux adversaires ont aussi croisé le fer sur la question des allégations sexuelles ciblant Donald Trump, qui les a écartées comme étant sans fondement. « Personne ne respecte plus les femmes que moi », a-t-il répété, suggérant que le camp démocrate « pourri » avait potentiellement orchestré leur intervention.
POINTS CHAUDS PLANÉTAIRES
Dans ce segment qui a largement porté sur la Syrie et le sort du groupe armé État islamique, Donald Trump a accusé Hillary Clinton d'être responsable de la perte de la ville irakienne de Mossoul aux mains des djihadistes. Il a aussi critiqué l'assaut qui vient d'être lancé par les autorités irakiennes et les combattants kurdes pour reprendre la ville. « Ça fait trois mois qu'on parle de l'attaque de Mossoul, où est l'effet de surprise ? », a-t-il dit. « La seule raison pour laquelle l'assaut a lieu maintenant, c'est parce qu'Hillary se présente comme présidente », a-t-il ensuite ajouté.
Hillary Clinton a accueilli la théorie du complot en riant. « C'est fou qu'il pense qu'on a lancé une offensive pour m'aider ! », a dit la candidate démocrate, qui a défendu son projet d'établir une zone d'exclusion aérienne au-dessus de la Syrie. « Ça pourrait sauver des vies et raccourcir le conflit », a dit l'ancienne secrétaire d'État.
DETTE
Les deux candidats ont été pressés de préciser comment ils entendaient limiter la croissance de la dette américaine, qui atteint actuellement 77 % du produit intérieur brut (PIB). Donald Trump a assuré, sans donner de détails, qu'il réglerait le problème en assurant une croissance économique pouvant atteindre 5 ou 6 % du PIB par année, un taux sans commune mesure avec la situation actuelle.
Hillary Clinton a déclaré que son adversaire critiquait le gouvernement depuis des années en se bornant à dire qu'il était la solution à tous les problèmes. La candidate démocrate a affirmé qu'elle financerait son programme économique grâce à des augmentations de taxes garantissant que les personnes aisées et les entreprises paieraient « leur juste part ». Elle a terminé son intervention en promettant de défendre les intérêts de la classe moyenne, suscitant une remarque ironique de son adversaire, qui lui reproche de solliciter de l'argent des riches qu'elle prétend vouloir contrôler. « Ça ne fonctionne pas comme ça », a-t-il lancé en promettant de rendre à « l'Amérique sa grandeur passée ».
Les deux candidats ont quitté la scène sans se serrer la main.
- LAURA-JULIE PERREAULT ET MARC THIBODEAU
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