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vendredi, août 05, 2016

LIBRE OPINION Course au PQ: une invitation à retrouver son âme

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5 août 2016 | Xavier Camus - Enseignant en philosophie
En janvier 2014, Mme Marois, accompagnée de l’homme d’affaires Laurent Beaudoin (Bombardier), proclame la mise en chantier d’une cimenterie, en Gaspésie, au coût total de 1 milliard.
Photo: Antoine Robitaille
En janvier 2014, Mme Marois, accompagnée de l’homme d’affaires Laurent Beaudoin (Bombardier), proclame la mise en chantier d’une cimenterie, en Gaspésie, au coût total de 1 milliard.

La course à la chefferie du Parti québécois pourrait être l’occasion d’un circonspect examen de conscience quant à la direction à prendre pour le prochain cycle à venir. Avec le recul, on constate que le Parti québécois a participé à la mise en oeuvre (ou à la consolidation) de bon nombre des projets publics les plus périlleux des dernières années : Port-Daniel, Anticosti, amphithéâtre de Québec…

Et cela, même si le gouvernement Marois n’a été en poste que durant 18 mois.

Alors qu’on assiste à la droitisation économique du Parti libéral, de Jean Charest à Philippe Couillard, le rôle péquiste ne devrait-il pas s’avérer celui de garde-fou vis-à-vis des politiques d’austérité qui menacent toujours plus la survie du « modèle québécois » ?

À l’arrivée de Lucien Bouchard aux commandes du parti, il y a 20 ans, la priorité devint plutôt le dégraissage de la fonction publique comme instrument de l’atteinte du « déficit zéro ».

Financement sectoriel

À la commission Charbonneau, des faits probants ont été avancés indiquant que ces partis aspirant au pouvoir ont tous deux reçu des millions de dollars en dons illégaux, entre 1998 et 2010. À ce sujet, une association d’ingénieurs a estimé à 13,5 millions le montant total versé frauduleusement aux partis politiques provinciaux par les dix plus grandes firmes d’ingénierie du Québec. Soixante pour cent serait allé au Parti libéral, 36 % au PQ et 4 % à l’ADQ.

En moyenne, le Parti libéral profita donc davantage du financement « sectoriel », mais le Parti québécois bénéficia tout de même grandement des largesses des entreprises privées, malgré son passage dans l’opposition. En voici deux exemples : SNC-Lavalin a reconnu avoir donné 477 000 $ au PQ, puis 570 000 $ au PLQ via son système illégal de prête-noms (« Des cadres de SNC-Lavalin ont donné 1 million aux partis provinciaux »Le Devoir). Toujours entre 1998 et 2010, Dessau aurait remis 400 000 $ au Parti québécois, contre 600 000 $ au Parti libéral (« Le PLQ demandait 100 000 $ par année à la firme Dessau »La Presse).

Et là encore, nous ne parlons que des grandes firmes d’ingénierie, on pourrait y ajouter le financement sectoriel provenant des cabinets d’avocats, des firmes comptables, d’autres entrepreneurs et fournisseurs, et ainsi de suite. On prête alors flanc à l’influence indue d’intérêts privés au détriment du bien commun.

Dilapidation de fonds publics

Quand il s’agit d’appuyer d’importants contrats publics, la formation de Pauline Marois s’est impliquée dans plusieurs dossiers controversés, alors qu’elle aurait pu se positionner autrement, en campant un rôle de défenseure du bien commun :

Amphithéâtre de Québec. En février 2011, Jean Charest et Régis Labeaume s’entendent sur un plan financier pour construire le futur Centre Vidéotron avec 400 millions en deniers publics. Deux partenaires contesteront la légalité du contrat.

Au lieu de monter aux barricades pour dénoncer ce projet risqué favorisant essentiellement Québecor, l’entourage de Mme Marois — qui était dans l’opposition — a plutôt poussé à la roue en déposant le projet de loi 204, parrainé par Agnès Maltais. On a ainsi fait adopter cette loi litigieuse qui interdit la remise en cause du contrat signé par les libéraux. Indignés, quatre députés péquistes quittèrent le navire : Pierre Curzi, Lisette Lapointe, Louise Beaudoin et Jean-Martin Aussant.

Port-Daniel. En janvier 2014, Mme Marois, accompagnée de l’homme d’affaires Laurent Beaudoin (Bombardier), proclame la mise en chantier d’une cimenterie, en Gaspésie, au coût total de 1 milliard.

Cette initiative péquiste, dont on dit qu’elle représente « le projet industriel le plus polluant de l’histoire du Québec », fait face à d’importants dépassements de coûts. On parle aujourd’hui d’un projet de 1,55 milliard (la part publique s’élève à plus de 450 millions), pour générer environ 250 emplois directs…

Anticosti. En février 2014, le gouvernement Marois annonce un investissement de 115 millions de fonds publics sur l’île d’Anticosti. Déjà, à cette époque, l’ingénieur-géologue Marc Durand multipliait les mises en garde quant à la non-rentabilité évidente du projet pétrolier, en plus des dommages environnementaux à prévoir.

Bref, comment le parti de René Lévesque — père de la Loi sur le financement des partis politiques — a-t-il pu en venir à s’éloigner, en quelque sorte, de ses racines sociales-démocrates profondes qui l’animaient ? Et ce « moment PKP », ne fut-il qu’une autre ère d’errance vers la droite ?

La course actuelle à la chefferie promet un vent de changement.

Hormis une posture distincte sur la « question nationale », le Parti québécois doit proposer une solution de remplacement crédible au modèle néolibéral axé sur le dégraissage de l’État. À quand un programme ambitieux pour regagner le coeur d’une nouvelle génération de souverainistes ?

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