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mercredi, mars 09, 2016

Trudeau à Washington : quand l'éléphant s'intéresse à la souris

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Mise à jour il y a 51 minutes
Les drapeaux canadien et américain flottent devant la Maison-Blanche, le 7 mars 2016.
Les drapeaux canadien et américain flottent devant la Maison-Blanche, le 7 mars 2016. 
Photo :  Kevin Lamarque / Reuters
Les grandes artères de Washington sont déjà ornées du drapeau canadien. La presse canadienne s'interroge depuis des semaines sur ce que va porter Sophie Grégoire-Trudeau au dîner officiel. L'émission 60 minutes de CBS a de toute évidence été séduite par Justin Trudeau. Le site web Politico parle déjà d'une capitale « en pâmoison sur Justin », d'un conseiller de la Maison-Blanche qui a un « béguin politique » pour lui.
Emmanuelle Latraverse
  Un texte d'Emmanuelle Latraverse
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Chanceux est celui ou celle qui se rappelle une telle frénésie autour de la visite d'un premier ministre canadien dans la capitale américaine.
Vedette ou politicien de talent? Le paradoxe Trudeau fascine d'autant plus ici qu'il est décrit comme un antidote à Donald Trump. Soudainement, l'éléphant s'intéresse à la souris, mais le gouvernement Trudeau n'a pas l'intention de tirer profit de cette occasion.
Cet aveu lors de son premier voyage officiel trouve tout son sens à la veille de cette visite.
« S'il y a un peu plus d'attention sur le Canada, je suis content de pouvoir souligner ce que le Canada a à offrir à ses partenaires et une chance de pouvoir bâtir des relations pour les grands enjeux de la planète. »— Justin Trudeau premier ministre du Canada, au sommet de l'APEC à Manille en novembre dernier

Quand les étoiles sont alignées
Il faut dire qu'entre un président qui veut sceller son héritage sur le front environnemental et un premier ministre qui en a fait sa priorité, les deux dirigeants ont rapidement trouvé un terrain d'action commun. Entre un Barack Obama en fin de mandat et un Justin Trudeau à l'aube du sien, les deux hommes ont développé des atomes crochus, et leur vision commune de la politique en fait foi.
« Deux dirigeants avec des visions similaires. Les deux ont une vision progressiste de la gouvernance. Les deux sont engagés en faveur des outils multilatéraux. Les deux sont engagés en faveur de la diversité. »— Mark Feierstein, directeur senior du Conseil national de sécurité

Le président Barack Obama veut maximiser sa fin de mandat, défier les vieilles tendances américaines voulant que dans les derniers mois d'une présidence, rien d'ampleur ne puisse être accompli. Justin Trudeau veut prouver qu'il sait être un acteur influent sur la scène internationale.
Leurs champs d'intérêt se rencontrent. Ministres et hauts fonctionnaires s'activent donc depuis des semaines pour que la rencontre de jeudi soit un succès. Après tout, une visite officielle ne vaudrait pas la peine si elle ne servait pas à annoncer en grande pompe ce qu'on appelle dans le jargon politique des « livrables ».
C'est ainsi que lors d'une séance d'information organisée par la Maison-Blanche, les hauts responsables de l'administration Obama ont voulu entretenir le suspense. Pourtant, les signaux sont clairs, des ententes sont à prévoir et cela commence par l'environnement.
« Je vous dirai que la relation sur le climat avec le Canada s'est accentuée rapidement et de manière importante. L'engagement des deux dirigeants à s'attaquer à ce défi mondial est réel et je m'attends à ce que, sous leur leadership, l'Amérique du Nord fasse des progrès importants cette année. »— Todd Stern, envoyé spécial de la Maison-Blanche pour les changements climatiques

Une stratégie continentale sur le climat et l'énergie est donc dans les cartons. Parmi les enjeux où des avancées sont prévisibles, il faut compter la protection de l'Arctique, la réduction des émissions de méthane et une réglementation sur les véhicules lourds.
Justin Trudeau et Barack Obama lors de leur rencontre au sommet de l'APEC à Manille, aux Philippines, le 19 novembre 2015.Justin Trudeau et Barack Obama lors de leur rencontre au sommet de l'APEC à Manille,
 aux Philippines, le 19 novembre 2015.  Photo :  Jonathan Ernst / Reuters
Encore la frontière
Une visite à Washington ne pourrait être un succès pour le Canada sans une avancée importante sur le front du commerce entre les deux pays.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la frontière n'a cessé de se renforcer. Pourtant, chaque jour, 400 000 personnes et des biens d'une valeur de 2 milliards de dollars traversent cette frontière.
Le Canada tente d'obtenir depuis des années une forme de prédédouanement des marchandises afin que celles-ci soient inspectées directement chez le manufacturier afin de faciliter leur transit. Déjà, dans les derniers jours, le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale a laissé présager une entente à ce sujet.
Désamorcer les irritants
Une relation politique et économique aussi intégrée que celle entre le Canada et les États-Unis ne vient pas sans son lot d'irritants. Il y en a qui perdurent depuis plus de 30 ans, comme le bois d'œuvre, et d'autres qui émergent au fil des débats, comme le Partenariat transpacifique.
L'administration Obama a fait de l'adoption de ce vaste accord de libre-échange entre les pays de l'Asie-Pacifique et de l'Amérique une priorité. Et ici, l'ambivalence du gouvernement Trudeau, qui se donne jusqu'à neuf mois pour consulter les Canadiens avant d'appuyer et de lancer le processus de ratification de l'entente, n'est pas passée inaperçue.
C'est ainsi que sur ces deux enjeux, soudainement, les hauts responsables de la visite sont beaucoup moins loquaces.
Une avenue pour désamorcer une nouvelle guerre du bois d'œuvre en octobre prochain? C'est un litige de longue date, un « enjeu compliqué », dit-on. L'administration est cependant ouverte à entendre toutes les suggestions du Canada.
Des inquiétudes sur le Partenariat transpacifique? On répond que l'on respecte le processus mis en place par le gouvernement Trudeau.
Décidément, pas question de laisser quoi que ce soit troubler la fête!
Alors que sur le retrait des CF-18 des frappes aériennes contre le groupe armé État islamique, on préfère souligner que la nouvelle mission canadienne répond aux besoins de la coalition, sur l'enjeu des réfugiés syriens, on va jusqu'à laisser de côté les traditionnelles inquiétudes sécuritaires américaines.
« Nous applaudissons le leadership du Canada sur le front de la crise des réfugiés syriens et nous les félicitons pour avoir atteint leur but d'en accueillir 25 000. »— Roberta Jacobson, secrétaire d'État adjointe

Une fenêtre pour agir
Tout semble réglé comme du papier à musique pour ces visites officielles. Mais elles ne sont pas inutiles pour autant, au contraire.
Le tête-à-tête dans le bureau ovale, le dîner grandiose, les rencontres qu'aura le premier ministre Trudeau avec les leaders du Congrès, tout ça requiert des semaines, voire des mois de travail. Une énergie précieuse vouée soudainement aux plus hauts niveaux des deux gouvernements à trouver des solutions aux irritants, à développer des stratégies pour faire avancer leurs intérêts communs.
Il est là le but d'une telle visite. Le temps d'une rencontre au sommet, l'éléphant se préoccupe vraiment de la souris voisine. Il s'agira pour le gouvernement Trudeau d'en tirer profit au-delà des prochains mois et de jeter les bases de l'après-Obama.

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