Annonce

vendredi, décembre 18, 2015

Do you speak French?

http://www.journaldequebec.com/

JOSÉE LEGAULT
MISE à JOUR 
québec canada drapeau  Le Canada est un pays officiellement «bilingue» où moins de 10 % seulement des anglophones hors Québec connaissent le français. Le Québec est une province dont la langue officielle est le français, mais où les francophones sont de plus en plus nombreux à maîtriser l’anglais.
Le paradoxe est spectaculaire. Il explique cependant pourquoi si peu d’anglophones élus hors Québec au Parlement fédéral maîtrisent la langue de Molière.
Au sein du nouveau gouvernement de Justin Trudeau, lui-même un Québécois bilingue et biculturel, la moitié des ministres seraient en effet incapables de donner une entrevue dans un français même minimaliste.
Le mirage
Que cache-t-il derrière ce paradoxe? Primo, un mirage. Pierre Elliott Trudeau, père du premier ministre, cherchait à combattre le nationalisme québécois, entre autres par l’image d’un pays «bilingue» qui ne s’est jamais matérialisée.
Secundo, une grave iniquité. Hors Québec, il est facile de faire des études universitaires ou de mener des carrières prestigieuses – c’est le cas pour plusieurs des ministres de Justin Trudeau – sans connaître l’«autre» langue officielle du pays. Au Québec, l’inverse est de moins en moins possible.
Tertio, un mensonge. Les lamentations qui fusent sur la «difficulté» des francophones à apprendre l’anglais sont de la bouillie pour les chats.
Selon une étude publiée en 2013 par Statistique Canada, de 2001 à 2011, le Québec fut «la seule province à enregistrer une hausse soutenue de bilinguisme», passant de 40,8 % à 42,6 %. Déjà en 1961, ce taux était de 25 %.
À l’opposé, le taux de bilinguisme au Canada anglais a glissé de 10,3 % à 9,7 %. Voilà pour la pleine mesure du fossé qui se creuse toujours plus entre le Québec et le reste du pays dans le département politiquement délicat du bilinguisme anglais-français.
La paille et la poutre
En 2013, Charles Castonguay, professeur de mathématiques à la retraite de l’Université d’Ottawa et expert de la question linguistique, notait même ceci en entrevue:
«Parmi les 20-29 ans au Québec en 2011, 78 % des anglophones se déclaraient bilingues, comparé à 57 % des francophones. Dans la région de Montréal, l’écart se rétrécit encore plus, à 80 % et 70 % respectivement. Dans l’île, c’est 78 % et 79 %. Ces jeunes francophones montréalais seraient donc rendus un tantinet plus bilingues que les anglophones. Ils n’ont pourtant reçu ni l’anglais dès la première année ni l’anglais exclusif. L’enseignement normal de l’anglais paraît avoir fonctionné assez bien merci.»
Bref, la connaissance de l’anglais est en constante progression au Québec, alors que celle du français au Canada anglais reste minimale. À Montréal, l’anglais est exigé même pour les emplois au salaire minimum. À Ottawa, on peut être ministre sans connaître le français.
Les faits objectifs sont têtus. Le danger est néanmoins ailleurs.
À force de regarder la paille du bilinguisme chancelant dans l’œil fédéral, on risque de ne pas voir la poutre de la fragilisation du français dans l’œil d’un Québec dont il est pourtant la «langue officielle».