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Mise à jour le samedi 31 octobre 2015 à 1 h 51 HAE
Mise à jour le samedi 31 octobre 2015 à 1 h 51 HAE
Un enfant irakien dans un camp de réfugiés près de Amiriyat Al-Fallujah, en Irak. Photo : STRINGER Iraq / Reuters |
Ouvert par l'ONU en juin 2013, le camp d'Al Obaïdi, dans le nord-ouest de l'Irak, héberge un millier de réfugiés syriens dans un contexte très particulier : il se trouve dans un territoire que contrôlent les djihadistes de l'État islamique (EI).
Aucune autre structure d'accueil créée par l'ONU n'est dans une situation comparable. Et ses occupants ont dû s'y adapter : les femmes circulent le visage voilé, toujours accompagnées d'un homme, l'alcool et le tabac y sont prohibés, de même que l'accès à internet.
Contrevenir à ces règles peut entraîner de graves conséquences, selon des témoins interrogés par la Fondation Thomson Reuters.
À une trentaine de kilomètres d'Al Qaïm, du côté irakien de la frontière avec la Syrie, le camp d'Al Obaïdi, dans la province d'Anbar, est sous le contrôle des djihadistes de l'EI depuis près de 16 mois. Mais il reçoit encore des vivres et des médicaments financés par l'ONU, livrés par des groupes locaux partenaires des agences humanitaires des Nations unies.
« La vie dans le camp d'Al Obaïdi est pourtant meilleure qu'à l'extérieur », confie un employé d'un groupe humanitaire irakien.
« Au moins, nous y bénéficions de services de base, comme l'eau ou l'électricité huit heures par jour. »— Un employé d'un groupe humanitaire irakien
Des ONG irakiennes en intermédiaires
Un soldat passe près d'un drapeau irakien à Husaybah, en Irak. Photo : STRINGER Iraq / Reuters
En juillet 2014, l'arrivée de l'État islamique, qui venait de s'emparer de Mossoul, plus au nord, a pris de court les réfugiés vivant dans le camp. Pas le temps de fuir l'avancée des djihadistes. Pas moyen de s'enfuir par la suite.
Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a retiré l'ensemble de ses équipes qui travaillaient dans la province d'Anbar et a sous-traité à deux ONG irakiennes la gestion du camp.
La Société médicale irakienne de secours et de développement (UIMS) s'occupe de la seule clinique du camp; l'Organisation humanitaire irakienne du salut (ISHO) a la charge de la sécurité.
Aucun membre du HCR n'a visité depuis Al Obaïdi.
Quelques jours après la prise d'Al Qaïm, des combattants de l'EI se sont rendus dans le camp. Ils ont indiqué que les ONG irakiennes pouvaient y continuer leur travail à condition que les réfugiés respectent la charia et que tous les logos de l'ONU soient retirés.
« Il n'y a pas eu de négociations, c'était à prendre ou à laisser. »— Ali Kasem, porte-parole de l'UIMS
Une semaine plus tard, de retour dans le camp, les djihadistes ont exécuté trois hommes et deux femmes accusés d'être des espions. En août, un autre travailleur humanitaire a été tué.
D'après les témoignages recueillis, des combattants de l'EI inspectent le camp au moins une fois par mois.
Un sujet délicat
Une femme yézidie marche dans un camp de réfugiés de la province de Duhok, en Irak. Photo : STRINGER Iraq / Reuters
Dans les premiers temps, l'aide humanitaire était livrée en petites quantités dans des sacs noirs, sans logo, par l'intermédiaire des partenaires irakiens des agences onusiennes. Avec l'intensification des combats, la logistique s'est compliquée : il fallait passer des postes de contrôle tenus par les forces régulières irakiennes puis par l'EI.
En février dernier, le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) a cessé de distribuer de l'aide alimentaire. Le HCR a pris le relais, faisant acheminer pour chaque réfugié deux miches de pain par semaine. « Nous allouons aussi une trentaine de dollars par mois aux réfugiés, même si cette somme peut varier », indique Bruno Geddo, représentant en Irak du HCR.
Les médicaments n'arrivent eux que deux fois par an.
Dans la communauté humanitaire, nul ne dément l'existence du camp d'Al Obaïdi, mais sa situation si particulière gêne un peu aux entournures. L'UNICEF et l'International Rescue Committee (IRC), qui y travaillent, refusent de dire comment ils font parvenir leur assistance.
« Discuter publiquement de négociations avec des acteurs non étatiques est un sujet très délicat », note Eva Svoboda, chercheuse à l'Overseas Development Institute (ODI), un centre d'études et de réflexion britannique spécialisé dans les questions de développement et d'aide humanitaire.
La chercheuse souligne que la même question a pu se poser en Afghanistan ou en Somalie.
Le silence est en partie liée à la contradiction entre le droit humanitaire - qui affirme la nécessité de fournir une aide aux civils en temps de conflit - et les règles de lutte contre le terrorisme. Le fait que l'EI soit considéré comme une organisation terroriste peut exposer à des sanctions légales toute organisation fournissant de l'aide en territoire sous son contrôle des djihadistes ou négociant avec eux.