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Mise à jour le vendredi 10 juillet 2015 à 6 h 00 HAE
Mise à jour le vendredi 10 juillet 2015 à 6 h 00 HAE
Même si la municipalité d'Oka et la communauté de Kanesatake ont convenu de travailler à protéger la pinède, le litige qui a entraîné la crise d'Oka n'est toujours pas réglé. Les Mohawks de Kanesatake revendiquent encore le territoire de la pinède et les terres adjacentes. Mais Ottawa s'apprêterait à mettre un baume sur les plaies du passé.
Pour le traditionaliste John Cree, rien n'a vraiment changé du point de vue de la question territoriale. C'était pourtant la cause même de la crise. La preuve, en 2010, des tensions sont survenues dans la pinède, parce qu'un promoteur immobilier souhaitait y exploiter des terrains.
« Nous sommes toujours au point de départ. Nous n'avons pas progressé d'un pouce, c'est une lutte constante », affirme celui qui est considéré comme le leader spirituel des traditionalistes de Kanesatake.
John Cree, leader spirituel des traditionalistes, Kanesatake. Photo : Gilbert Drouin et Francis Labbé
Le fédéral a acheté les terrains convoités par la municipalité d'Oka pour l'agrandissement du terrain de golf et l'aménagement de logements, mais ces terrains n'ont pas été transférés au conseil de bande. Ils ont le statut de terres de la Couronne.
« C'est la même chose pour les autres terrains achetés par Ottawa depuis la crise; ils sont inoccupés et nous en aurions bien besoin », explique le grand chef Serge Simon.
« Pour pouvoir mettre la main sur ces terrains, nous devrions utiliser la loi S-24 [NDLR - Loi sur le gouvernement provisoire du territoire de Kanesatake] et la communauté est divisée sur cette loi », explique le grand chef.
« Cette loi vise à municipaliser Kanesatake. Nous ne sommes pas une municipalité, nous sommes une nation », explique le grand chef Simon.
Volonté commune de rapprochement
Le jeudi 9 juillet 2015 pourrait aussi être une date qui passera à l'histoire. D'un commun accord, Kanesatake et la municipalité d'Oka ont convenu de travailler à protéger définitivement la zone de la pinède.
« Le maire d'Oka Pascal Quevillon, et le grand chef de Kanesatake, Serge Otsi Simon, ont déclaré que les membres de leur conseil respectif ont entrepris des pourparlers visant à préserver et conserver la forêt identifiée dans le périmètre de l'actuelle pinède d'Oka », écrit la municipalité d'Oka dans un communiqué.
« Nos deux communautés désirent, avec l'appui de leurs élus respectifs, tenir un dialogue qui va permettre d'assurer la sauvegarde patrimoniale de ce territoire. La protection de notre environnement et la mise en valeur de l'histoire de nos communautés demeureront une priorité réciproque. »
Un problème historique
La crise d'Oka a pris naissance bien avant le projet d'agrandissement du golf. 273 ans plus tôt, en 1717, la communauté religieuse des Sulpiciens reçoit du roi de France la Seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, où l'on retrouve des terres utilisées par les Mohawks.
Seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, Nouvelle-France. Photo : Radio-Canada
Au fil des décennies, les Sulpiciens vont vendre ces terres à des Blancs, puis à la municipalité d'Oka vers la fin des années 40. Ce que vont toujours contester et dénoncer les Mohawks.
« On n'était pas supposés de soumettre aucune terre aux Sulpiciens. Ils devaient être ici comme un organisme de charité. Ils n'avaient aucun titre sur les terres », soutient Serge Simon.
Pierre Trudel, chercheur et chargé de cours, UQAM Photo : Gilbert Drouin
« Il y avait des territoires d'usage des Mohawks », ajoute le chercheur Pierre Trudel, de l'UQAM. « C'est le cas des terres de la commune de la Seigneurie, et ce territoire-là, c'est justement là-dessus qu'on voulait agrandir le golf et, surtout, construire 60 habitations. »
Pour le traditionaliste mohawk John Cree, la crise d'Oka était inévitable.
« Si je vous installe dans un carré, mais que j'y entre aussi et vous repousse continuellement, jusqu'à ce que vous soyez à la limite, qu'allez-vous faire? Vous allez me repousser à votre tour en disant : "c'est assez". C'est exactement ce qui nous est arrivé. »— John Cree, traditionaliste
Ottawa admet son erreur
En 2008, survient alors un revirement important. « Ottawa, 18 ans après, sous toute réserve parce qu'il négocie, bien sûr, a reconnu une faute fiduciaire », explique Pierre Trudel. « Le gouvernement fédéral aurait dû empêcher les Sulpiciens de vendre la commune à la municipalité d'Oka. »
Le grand chef du conseil de bande de Kanesatake, Serge Simon Photo : Francis Labbé
Ottawa entreprend donc des négociations avec Kanesatake. Des discussions qui ont toujours cours, mais qui, selon le grand chef Serge Simon, seraient sur le point de déboucher sur une entente.
« Je ne peux pas en discuter dans le détail parce qu'on a des ententes de confidentialité; il y aura une conférence de presse », explique le grand chef. « Mais on a déjà des ententes de principe. Il devrait y avoir une annonce. »
« Ces processus sont toujours longs », ajoute Pierre Trudel. « La durée de l'examen des revendications territoriales a tendance à se calculer en termes d'années et non de mois. »
Une entente qui vaut de l'or?
Cette éventuelle entente entre Ottawa et Kanesatake, destinée à dédommager la communauté pour la perte d'usage du territoire, ne mettra pas un terme à toutes les revendications territoriales des Mohawks.
Elle pourrait toutefois leur rapporter plusieurs millions de dollars. Les Mohawks d'Akwesasne, qui vivent une situation comparable, doivent se prononcer sur une offre de 240 millions de dollars d'Ottawa. Une consultation doit être tenue dans les prochaines semaines.
Autant d'argent pourrait servir au développement économique de Kanesatake. Le grand chef rêve d'investissements, comme un centre culturel traditionnel jumelé au parc d'Oka de la SEPAQ.
« Imaginez-vous, avoir un centre culturel mohawk à l'entrée du parc d'Oka, avec un village authentique iroquois, avec les palissades en arrière. Tous les visiteurs pourraient venir voir le village authentique, avec les longues maisons. Ça aiderait beaucoup la communauté. »— Le grand chef du conseil de bande de Kanesatake, Serge Simon
Michel Beaulne, restaurateur, a quitté Oka en 1994 faute de clients. Photo : Gilbert Drouin
Michel Beaulne estime que la région d'Oka et de Kanesatake aurait grandement besoin d'investissements de ce genre. « Le plus gros problème, ça a été de faire en sorte que les gens reviennent à Oka », raconte-t-il.
Il était propriétaire d'un restaurant à Oka, mais a décidé de quitter en 1994, faute de clients. À propos des enjeux territoriaux de Kanesatake, son idée est bien arrêtée.
« Il faut régler la question », affirme celui qui a cofondé la Chambre de commerce d'Oka, fusionnée depuis avec celle de Saint-Eustache-Deux-Montagnes.
« La plupart des magasins qui ont fermé n'ont pas rouvert. Ceux qui ouvrent de petits magasins survivent, mais ne font pas fortune. Le monde a encore peur d'y aller. Il faut faire en sorte que les gens reviennent dans ce superbe coin des Laurentides », plaide-t-il.