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samedi, avril 11, 2015

Un an plus tard, quel est le sort des otages de Boko Haram?

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Mise à jour le samedi 11 avril 2015 à 7 h 08 HAE
Cette photo est extraite de la vidéo envoyée par la secte Boko Haram. Elle montre une partie des lycéennes victimes d'enlèvement.
 Photo :  Uncredited
Cette photo est extraite de la vidéo envoyée par la secte Boko Haram. Elle montre une partie des lycéennes victimes d'enlèvement.
Il y aura bientôt un an, le 14 avril 2014, le groupe islamiste armé Boko Haram choquait le monde en enlevant 276 jeunes filles d'une école secondaire du nord du Nigeria. De la première dame américaine, Michelle Obama, à la Prix Nobel de la paix, Malala Yousafzai, la mobilisation a été planétaire. Pourtant, un an plus tard, on est toujours sans nouvelles d'environ 200 captives et les attaques sanglantes des djihadistes contre des populations civiles n'ont pas cessé de faire les manchettes.
Un texte de Ximena Sampson Courriel
Où en est-on aujourd'hui dans la lutte contre Boko Haram? Nous en avons discuté avec Olivier Rogez, grand reporter au service Afrique de RFI.
1. Un an après l'enlèvement des lycéennes, que sait-on de leur sort?
Ce que l'on sait avec certitude, parce que plusieurs sources l'ont affirmé, c'est que les filles ont été mariées de force avec des combattants de Boko Haram. C'est une pratique assez courante, la plupart du temps les femmes enlevées sont mariées de force ou prêtées comme esclaves sexuelles à des combattants.
En revanche, la question que l'on se pose depuis quelques semaines est de savoir si elles n'ont pas été assassinées. Il y a plusieurs rumeurs, notamment relayées par le directeur du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), Raad Zeid al Hussein, qui a laissé entendre qu'elles auraient pu être tuées lors de l'attaque de l'armée nigériane contre la ville de Bama, qui était une place forte de Boko Haram dans l'État de Borno.
Au cours de la dernière année, Boko Haram a mené des dizaines d'attaques contre des villages du nord du Nigeria, notamment à Baga, au début du mois de janvier, où plus de 2000 personnes ont été tuées.
2. Quels sont les résultats de l'offensive de l'armée nigériane?
Il y a deux mois, Goodluck Jonathan avait repoussé les élections de six semaines, disant que cela laisserait le temps à l'armée de reconquérir les zones occupées par les insurgés.
Et, de fait, depuis cinq ou six semaines, l'armée nigériane a entrepris une avancée par le sud, par les États de Yobe et Adamawa, alors qu'au nord le corps expéditionnaire envoyé par le Tchad et l'armée nigérienne est aussi en action sur le terrain.
Cependant, la reconquête est loin d'être achevée. L'armée nigériane n'occupe pas toutes les villes libérées, mais on assiste à une progression importante. Certaines bases de Boko Haram, comme les villes de Bama et Gwoza, sont maintenant sous le contrôle des autorités gouvernementales. Des milliers de combattants sont maintenant éparpillés dans la brousse, dans des zones moins accessibles, notamment dans les collines qui longent la frontière camerounaise.
En janvier 2015, le Cameroun, le Niger et le Tchad ont fait front commun avec le Nigeria pour mener une offensive contre Boko Haram. Selon le gouvernement nigérian, 36 villes ont été reprises aux insurgés.
3. L'élection de Muhammadu Buhari va-t-elle changer la donne?
NigeriaL'offensive éclair de l'armée depuis deux mois est la preuve manifeste et évidente que durant des années, sous la férule de Goodluck Jonathan, elle était totalement inactive sur ce problème, alors qu'elle a parfaitement les moyens de combattre les djihadistes.
« Épaulée par les Camerounais, les Tchadiens et les Nigériens, une armée aussi puissante et aussi bien équipée que l'armée nigériane ne devrait pas avoir énormément de problèmes pour vaincre ce groupe. »— Olivier Rogez, grand reporter pour RFI

Même s'ils sont plusieurs milliers, ce sont des hommes peu formés, qui disposent de matériel d'armement léger. Il s'agit de hordes de soudards qui savent parfaitement piller et attaquer des villages où les gens sont désarmés et ne savent pas se battre. Mais face à des armées régulières, équipées, entraînées et de mieux en mieux formées (par les Français,  Américains et Israéliens), ils ne font pas le poids.
4. La concertation régionale est-elle efficace?
Il y a une forme d'exemplarité africaine dans cette histoire. Pour la première fois, le Cameroun, le Tchad et le Niger, main dans la main, se sont attaqués au problème. Il y a eu des grincements de dents diplomatiques du côté du Nigeria parce qu'en pleine campagne électorale, il y avait un petit côté humiliant de voir que c'était des armées de pays réputés plus faibles et plus fragiles qui venaient faire la police. Ça n'a pas plus aux autorités.
Mais, pour les Tchadiens, c'était une question vitale, parce que Boko Haram menaçait le nord du Cameroun, les chemins d'approvisionnement économiques qui permettaient à N'Djamena d'importer la plupart de ses produits. Le Tchad étant un pays très enclavé, les autorités ne pouvaient pas rester inactives plus longtemps. On peut dire que les Tchadiens ont un peu forcé la main aux Nigérians pour obtenir un droit de poursuite sur leur territoire.
Les seuls qui n'ont pas franchi la frontière sont les Camerounais, qui en raison de vieux contentieux territoriaux, ne se risquent pas à froisser leurs voisins. Mais les autres pays, pour qui l'enjeu sécuritaire était devenu important, n'ont pas hésite à prendre le taureau par les cornes, démontrant par là aux Nigérians et à la communauté internationale qu'avec un peu de volonté et d'efficacité on pouvait arriver rapidement à des résultats.
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Une fillette se tient devant des soldats du Niger et du Tchad dans la ville de Damasak, qui vient d'être reprise à Boko Haram.
 Photo :  Emmanuel Braun / Reuters
Une fillette se tient devant des soldats du Niger et du Tchad dans la ville de Damasak, qui vient d'être reprise à Boko Haram.
5. Peut-on garder espoir pour l'avenir?
Ces dernières semaines ont redonné beaucoup d'optimisme à la fois aux pays de la sous-région et aux Nigérians, parce qu'ils s'aperçoivent que les résultats sont là.
Cependant, chasser ou éradiquer Boko Haram sera une entreprise de longue haleine, parce qu'au-delà des opérations militaires, il va falloir reconstruire Borno et aider des populations qui ont tout perdu.
Rien que dans la capitale de l'État de Borno, Maiduguri, il y a un demi-million de déplacés. Sur le territoire camerounais, il y a 50 000 réfugiés. Il va falloir les aider à rentrer chez eux, à reprendre une vie normale. Il va falloir investir dans les villages, dans l'éducation, parce que le discours de Boko Haram de lutte contre l'éducation occidentale est un discours prégnant depuis une dizaine d'années dans l'État de Borno. Il s'est traduit par la fermeture de centaines, voire de milliers d'écoles primaires ou élémentaires.
C'est un travail de longue haleine, qui prendra des dizaines d'années et qui demandera des efforts importants. Ce qu'attendent les gens de l'État de Borno du nouveau président, c'est qu'il s'attelle à toutes ces tâches, au-delà de la dimension sécuritaire.
Bilan des attaques de Boko Haram depuis 2009 :

  • 15 000 morts
  • 1,2 million de déplacés
  • 192 000 personnes réfugiées dans les pays voisins
  • 300 écoles détruites ou endommagées


Source : Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme