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mardi, décembre 27, 2016

Lisée et Legault dans une lutte impitoyable jusqu'en 2018

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Publié le 26 décembre 2016 à 14h24 | Mis à jour le 26 décembre 2016 à 14h24
Le chef péquiste Jean-François Lisée et le chef caquiste... (Archives La Presse)
Le chef péquiste Jean-François Lisée et le chef caquiste François Legault
ARCHIVES LA PRESSE
ALEXANDRE ROBILLARD
La Presse Canadienne
QUÉBEC
En politique, quand il s'agit de faire mal à l'adversaire, rien n'égale le coup prémédité, fruit d'intrigues en sous-main et d'échanges secrets dans les antichambres : le transfuge.
En octobre 2008, à quelques jours du déclenchement d'élections générales qui lui permettraient de faire passer son gouvernement de minoritaire à majoritaire, Jean Charest avait donné un avant-goût de la débâcle qui attendait l'Action démocratique du Québec, en annonçant qu'il grossissait ses rangs avec deux députés de la formation de Mario Dumont.
Le dernier changement de camp aussi radical, du jour au lendemain, s'est produit en janvier 2012, quand le député péquiste François Rebello a rejoint la Coalition avenir Québec (CAQ), sans siéger à titre d'indépendant, contrairement à deux collègues du Parti québécois (PQ) qui ont suivi le même chemin.
En janvier 2016, le chef caquiste François Legault avait laissé échapper que des députés péquistes réfléchissaient à passer dans le camp caquiste.
Le nombre de transfuges de l'année qui se termine se sera toutefois limité aux mouvements de seconds couteaux, non sans semer quelques pelures de bananes pour les libéraux.
Les caquistes ont obtenu la démission de deux de leurs ex-employés passés dans des cabinets libéraux, qu'ils ont accusés de s'être approprié des documents stratégiques avant de passer à l'ennemi.
Pressé d'expliquer, au moment de faire son bilan de fin d'année, pourquoi son caucus n'a accueilli aucun transfuge, M. Legault a attribué ce résultat aux changements à la tête du PQ, tout en maintenant l'espoir.
« Le PQ a changé deux fois de chef depuis que je vous ai dit ça, a-t-il dit. Donc, on va laisser passer un petit peu le temps, la lune de miel se terminer, la poussière retomber. On a encore des discussions privées. »
Élu en octobre pour succéder à Pierre Karl Péladeau, qui a démissionné pour raisons familiales, Jean-François Lisée n'a pas manqué de rendre coup pour coup à son adversaire.
« Est-ce qu'il essaie ? Oui, a-t-il dit. Est-ce que nous, on va essayer ? Probablement. Mais il n'y a jamais deux députés, ou trois, ou zéro qui n'ont jamais été sur le bord de [quitter]. François prend ses rêves pour des réalités. »
Au cours des prochains mois, cette rivalité de tous les instants entre les deux adversaires devrait s'accentuer.
À cet égard, leurs chassés-croisés sont déjà éloquents, les matins de période des questions, dans le hall où ils rencontrent la presse parlementaire.
Les journalistes observent parfois la lutte pour l'attention médiatique, quand un chef devance l'adversaire avec son point de presse ou encore le prolonge pour empiéter sur le temps prévu par son rival.
M. Lisée a poussé la stratégie plus loin en révélant avant la CAQ le contenu d'un document, dans un point de presse, afin de couper l'herbe sous le pied de M. Legault, qui avait prévu sa distribution.
Quelques semaines avant que la CAQ dévoile le nouvel article 1 de sa constitution, qui place sa démarche à l'intérieur du Canada, un attaché de presse avec de l'humour avait lancé, dans une des périodes de battement qui caractérise la couverture parlementaire, que le premier article de la formation devrait consacrer l'objectif caquiste : « être dans les médias ».
Alors que la CAQ fait depuis des années du « placement de produit », insistant pour que les interventions de ses députés soient rapportées dans les comptes rendus des journalistes, cette pratique a été adoptée récemment par le personnel politique péquiste.
Après deux démissions, de Pauline Marois et de M. Péladeau, et deux courses à la direction péquiste, les positions devraient se cristalliser davantage sur l'échiquier parlementaire, où les stratèges ont dû retourner à leur planche à dessin après l'élection de M. Lisée par les militants, qui l'ont préféré au favori Alexandre Cloutier.
Dans l'ombre de M. Péladeau dont l'image d'actionnaire de contrôle de Québecor était auréolée par le « star-system », M. Legault retrouve son rôle de seul chef de parti issu du milieu des affaires, avec son expérience de cofondateur du transporteur Air Transat.
De son côté, M. Lisée, un ancien journaliste, semble avoir fait de son mieux lorsqu'il a mis de l'avant, durant la course à la direction, ses origines de fils d'entrepreneur de Thetford Mines.
Après l'engagement du nouveau chef péquiste à ne pas tenir de référendum avant 2022, la CAQ a poursuivi son virage « nationaliste » en précisant dans ses statuts que le Québec doit rester au sein du Canada.
Au cours des prochains mois, la CAQ a l'intention de détailler son projet de Baie-James du XXIe siècle, qui doit concrétiser les retombées de l'appartenance au Canada grâce à des partenariats interprovinciaux.
M. Legault est revenu à son discours de protection des contribuables, en remettant de l'avant sa proposition de baisses d'impôts, financées à partir des fonds versés pour la réduction de la dette.
Après s'être « fiché » d'être comparé à Donald Trump, en août, et avoir accepté certains parallèles avec le président désigné, en novembre, M. Legault a terminé l'année en se disant « insulté » par les rapprochements avec l'homme d'affaires qui a réussi à se propulser à la tête des États-Unis.
La réflexion de M. Legault sur la possibilité d'une tarification des services publics plus élevée pour les nantis, dans une entrevue à La Presse, à la mi-décembre, montre également que les positions caquistes ne sont pas toutes cristallisées.
La tâche de M. Lisée s'annonce périlleuse, alors qu'il continue de tenter de rallier à la fois les électeurs de Québec solidaire (QS) et de la CAQ.
« Je suis sur tous ces fronts-là à la fois pour arrêter la division du vote mais, au contraire, créer une coalition plus large autour du Parti québécois pour avoir un gouvernement majoritaire », a-t-il dit au début décembre.
En pleine campagne dans quatre partielles, ce jeu d'équilibrisme a semblé atteindre ses limites sur les thèmes de la laïcité et de l'immigration.
Après avoir signalé, quelques jours avant un rassemblement militant de QS, que ces questions identitaires n'étaient plus dans ses trois priorités, le chef péquiste a ramené le sujet à l'avant-plan la semaine suivante.
Déjà, en coulisse, la CAQ tentait de tirer profit de cet assouplissement de M. Lisée, dont la course à la chefferie a été marquée par les prises de position sur la laïcité et l'immigration.
En présentant le produit du consensus au sein de son caucus, avec lequel il rétablit un équilibre en durcissant toutefois sa position, M. Lisée a confondu la presse parlementaire avec une pirouette dont il a le secret.
« Je n'y vois pas de contradiction, a-t-il dit. J'y vois une affirmation peut-être plus synthétique de nos priorités. »
Interrogé sur la possibilité que l'année 2017 soit marquée par une lutte sans merci avec la CAQ, M. Lisée a montré qu'il ne tient rien pour acquis : « Elle va finir en 2018 », a-t-il conclu