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mardi, août 02, 2016

Décès de Sylvie Roy: son fief en état de choc

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Publié le 02 août 2016 à 07h26 | Mis à jour à 07h42
De Sainte-Sophie-de-Lévrard à Victoriaville, tous les citoyens rencontrés... (PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LA SOLEIL)
PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LA SOLEIL
De Sainte-Sophie-de-Lévrard à Victoriaville, tous les citoyens rencontrés hier ont salué la détermination et le courage de Sylvie Roy (photo), morte dimanche d'une hépatite aigüe.

MARTIN CROTEAU
La Presse
(SAINTE-SOPHIE-DE-LÉVRARD) La mort de Sylvie Roy a été accueillie avec tristesse à Sainte-Sophie-de-Lévrard, village de Lotbinière qu'elle a habité pendant 20 ans et dont elle a été mairesse. Si des concitoyens ont accueilli la nouvelle avec surprise, il en va autrement de son entourage. Plusieurs proches de l'ex-députée avaient remarqué qu'elle n'était plus elle-même depuis des mois.
Au pied de l'église Sainte-Sophie-de-Lévrard, des travailleurs s'activent dans le jardin fleuri. La petite communauté se met belle pour le Festival des 5 sens, qui commence demain.
L'organisatrice de l'événement, Josée Croteau, doit inclure un nouvel élément à sa programmation : un hommage à la plus célèbre citoyenne du village. Sylvie Roy était sa belle-soeur.
« C'est un drame », a-t-elle confié.
Pour ceux qui travaillaient chaque jour avec cette mère de 51 ans, c'était aussi un drame annoncé.
Il y a deux ans, Sylvie Roy a été forcée au repos par une maladie contractée lors d'une mission en Afrique. Elle a claqué la porte de la Coalition avenir Québec pour siéger comme indépendante l'an dernier. Elle s'est séparée de son conjoint. Et depuis quelques mois, il était clair qu'elle n'était plus dans son assiette, relate Éric Vachon, ami de la députée depuis 2003 et conseiller politique depuis février.
« Quand je suis revenu en février pour participer à ce qu'on appelait la relance de sa carrière, j'ai noté que ce n'était pas la même Sylvie que j'avais connue, a-t-il indiqué. Elle trouvait ça plus difficile, elle était plus fatiguée, et fatiguée plus rapidement. J'avais noté ça dès le début et, par la suite, j'ai vu de jour en jour que ça n'allait pas en s'améliorant. »
Éric Vachon a plusieurs fois demandé en vain à sa patronne de s'occuper de sa santé. L'Assemblée nationale se penchait sur le projet de loi pour créer le registre québécois des armes à feu. Mme Roy tenait mordicus à participer au débat.
« JE SUIS DÉTRUIT »
C'est seulement à la fin de la session parlementaire, au début du mois de juillet, qu'elle s'est rendue à l'hôpital. Elle a laissé un message à Éric Vachon pour l'avertir qu'elle resterait quelques jours pour des tests. Il ne lui a plus jamais parlé.
Elle est morte dimanche d'une hépatite aigüe. Elle a passé les derniers jours de sa vie en isolement aux soins intensifs. « Je suis détruit, a confié M. Vachon. En une seconde, j'ai perdu mon amie, j'ai perdu ma patronne et j'ai perdu mon emploi. »
La politique a-t-elle tué Sylvie Roy ? Ce n'est pas impossible, admet M. Vachon.
«Elle s'est complètement donnée à sa carrière, elle s'est complètement donnée à ses électeurs. Elle a payé un prix, ma foi, beaucoup trop cher. Mais je suis persuadé que, de l'autre côté, elle est très fière de ce qu'elle a fait.»Éric Vachon,
ami et conseiller politique de Sylvie Roy
De Sainte-Sophie-de-Lévrard à Victoriaville, tous les citoyens rencontrés hier ont salué la détermination et le courage de la députée d'Arthabaska. Et tous ont reconnu qu'en politique, elle n'a jamais choisi le chemin le plus facile.
Sylvie Roy a été la première élue à réclamer une commission d'enquête sur la corruption sous le gouvernement Charest. Elle a aussi été la première à se prononcer contre le registre québécois des armes d'épaule, un défi à l'apparent consensus politique sur cette question.
Ses électeurs se souviennent d'autres combats, moins médiatisés. La députée a fait des pieds et des mains pour favoriser l'ouverture d'un CPE à Sainte-Sophie-de-Lévrard. Elle s'est battue avec acharnement pour empêcher la fermeture de l'hôpital Saint-Julien, dans le village voisin de Saint-Ferdinand.
« C'est une femme qui voulait aider, indique Francine Beaudet, artiste qui lui vendait à l'occasion des toiles. Tout ce qu'elle pouvait faire pour aider les gens, peu importe ce que c'était, elle le faisait. »
UNE ÉTOILE
Lorsqu'elle est arrivée à Sainte-Sophie-de-Lévrard, dans les années 90, Sylvie Roy est vite devenue une étoile dans cette communauté. Ce n'est pas tous les jours qu'une avocate de Trois-Rivières vient s'établir dans une municipalité de 700 habitants, qui vit essentiellement de l'agriculture.
Elle s'est établie avec un producteur laitier de la région, Réal Croteau, avec qui elle a eu deux enfants. Elle a ouvert un bureau d'avocat et, très vite, elle a fait le saut en politique.
Élue conseillère en 1999, Sylvie Roy est devenue mairesse six mois plus tard lorsque le maire a démissionné. Déjà, à cette époque, ses collègues lui prédisaient une carrière fulgurante.
« On se doutait qu'elle ne resterait pas mairesse, a relaté Jean-Guy Beaudet, actuel maire de Sainte-Sophie-de-Lévrard. C'est une femme qui avait du ‟guts". »
Recrutée par l'Action démocratique du Québec, elle a été élue à l'Assemblée nationale pour la première fois en 2003. Elle a été réélue quatre fois.

Les réactions

SYLVAIN GAUDREAULT, chef par intérim du Parti québécois
« Je suis sous le choc du décès soudain de ma collègue députée d'Arthabaska, Sylvie Roy. Je garderai le souvenir d'une femme engagée d'abord et avant tout pour les gens de son comté. Elle était une parlementaire d'expérience qui se servait de l'Assemblée nationale afin d'accroître la transparence de l'administration publique, et toujours dans le souci d'une meilleure gestion des fonds de l'État. »
GÉRARD DELTELL, député conservateur et ex-député de l'ADQ et de la CAQ
« À 51 ans, élue cinq fois, Sylvie Roy aura marqué la politique par son engagement et sa détermination. Mes pensées à ses deux enfants. RIP. »
ALAIN RAYES, député conservateur de Richmond-Arthabaska
« Je suis sous le choc après avoir appris la triste nouvelle du décès de Sylvie Roy, [...] une femme qui avait des convictions et qui prenait constamment la défense des gens, qui faisait preuve d'une grande combativité pour mener à terme les dossiers auxquels elle prenait part, qui avait obtenu la confiance de ses électeurs depuis 2003. »
SYLVAIN LÉVESQUE, ex-député de la CAQ
« Apprendre le décès d'une personne avec qui on a travaillé, ce n'est jamais facile. [...] Comme jeune député en 2012, elle m'a donné de précieux conseils sur la façon de travailler auprès des citoyens que nous représentons à l'Assemblée nationale. Je peux affirmer que grâce à Sylvie, je pense avoir été un meilleur représentant dans Vanier-Les Rivières. Trop tôt, trop jeune, trop subit... Je me souviendrai de toi, chère Sylvie. »
MARTINE DESJARDINS, présidente du Mouvement national des Québécoises et Québécois
« Elle fut une députée qui savait s'élever au-dessus de la partisanerie. Elle avait d'ailleurs participé au 75e anniversaire du droit de vote des femmes à Québec que j'organisais avec mon amie Flavie, sa fille chantait dans le spectacle. Elle manquera à la politique québécoise. Condoléances à sa famille. »
ANDRÉ BELLAVANCE, maire de Victoriaville et ancien député du Bloc québécois
« C'est une batailleuse. [...] Les gens apprécient ce type de politicien-là. Mais en même temps, il ne faut pas que tu passes ton temps à mettre le poing sur la table. En personne, les gens la rencontraient et c'était une personne très simple, très facile d'approche. Ce n'est pas quelqu'un qui se plaçait sur un piédestal parce qu'elle était députée. »