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jeudi, février 04, 2016

La réforme électorale pourrait nécessiter la réouverture de la Constitution

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Mise à jour le jeudi 4 février 2016 à 0 h 53 HNE  La Presse Canadienne
Une boîte de scrutin d'Élections Canada
Une boîte de scrutin d'Élections Canada  Photo :  PC/Chris Young

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau pourrait, contre son gré, plonger le pays dans les dédales constitutionnels avec son plan pour réformer le système électoral au Canada.
Le sénateur indépendant Serge Joyal, un expert en matière constitutionnelle, a prévenu que l'implantation d'une certaine forme de représentation proportionnelle, un système dans lequel le pourcentage de votes correspond sensiblement au pourcentage de sièges au Parlement, rendrait moins probable la formation de gouvernements majoritaires.
Deux ou trois partis politiques seraient donc forcés à s'unir pour constituer un gouvernement minoritaire plus stable ou former un gouvernement de coalition.
Ces scénarios pourraient nécessiter une clarification des prérogatives du gouverneur général pour déterminer quel chef de parti serait nommé premier ministre et, lorsqu'une coalition s'effondre, quand procéder à la dissolution du Parlement.
M. Joyal a cependant souligné que tout changement aux fonctions du représentant de la reine au Canada demanderait un amendement constitutionnel qui devrait ensuite être approuvé par chacune des 10 provinces.
Selon le sénateur, ces enjeux devraient être considérés dans l'examen de la réforme électorale pour ne pas se retrouver dans un « cauchemar » irrémédiable.
M. Joyal a formulé ces commentaires à un caucus ouvert des sénateurs indépendants, anciennement libéraux, organisé pour entendre des experts sur la réforme électorale.
M. Joyal a rappelé l'épisode de la tentative avortée du Parti libéral du Canada, du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois à former un gouvernement de coalition, en 2008, qui avait causé une « crise » au pays. Le premier ministre conservateur à l'époque, Stephen Harper, avait finalement convaincu la gouverneure générale Michaëlle Jean de proroger le Parlement pour éviter une défaite de son gouvernement minoritaire à un vote de défiance.
Le professeur en science politique de l'Université York Dennis Pilon, qui a fait plusieurs études sur les modes de scrutin dans le monde, a toutefois affirmé qu'il n'était pas juste d'associer automatiquement la représentation proportionnelle à de l'instabilité gouvernementale.
Le mode de scrutin uninominal à un tour est en vigueur actuellement au Canada. Dans ce système, les Canadiens votent pour un député par circonscription et ceux-ci remportent leurs élections avec une majorité simple. Le gagnant peut être proclamé élu même s'il n'a qu'un seul vote de plus que ses adversaires.
Cela crée de la distorsion sur le plan national, puisque la proportion de votes ne correspond pas tout à fait à la proportion de sièges. Généralement, au Canada, les gouvernements majoritaires sont élus avec environ 38 % du vote national.
Mais selon M. Pilon, le système uninominal à un tour cause beaucoup plus d'instabilité que les systèmes proportionnels. On a vu « beaucoup plus de gouvernements minoritaires » au Canada que dans plusieurs autres parlements inspirés de la tradition Westminster, puisque ce mode de scrutin incite les partis à adopter un style plus partisan et antagoniste, a-t-il expliqué. En revanche, la proportionnelle nécessite plus de collaboration entre les formations politiques.
Justin Trudeau a promis que les élections du mois d'octobre 2015 seraient les dernières avec un mode de scrutin uninominal à un tour. Son gouvernement s'apprête à instaurer un comité multipartite qui examinera toutes les autres options, dont la proportionnelle et le mode de scrutin préférentiel, c'est-à-dire lorsque les électeurs sont invités à classer les députés dans leur ordre de préférence.
La ministre des Institutions démocratiques, Maryam Monsef, a dit mercredi que le gouvernement n'avait pas l'intention de rouvrir la Constitution et que toute réforme serait effectuée « dans le cadre constitutionnel ».
Le comité sénatorial a également entendu le témoignage de l'ancien Directeur général des élections du Canada, Jean-Pierre Kingsley, qui a fait valoir qu'une réforme était nécessaire depuis longtemps.