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jeudi, janvier 07, 2016

Piment fort à la sauce du jour

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Publié le 07 janvier 2016 à 08h29 | Mis à jour à 08h29

Le grand retour de Piment fort avec Normand Brathwaite... (PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE)
PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE
Le grand retour de Piment fort avec Normand Brathwaite s'amorce lundi prochain sur les ondes de TVA.

Hugo Meunier
HUGO MEUNIER
La Presse
Le grand retour de Piment fort s'amorce lundi prochain sur les ondes de TVA. Certains ont remis en question l'intérêt de ressusciter ce jeu télévisé culte, parfois controversé, diffusé de 1993 à 2001. Est-ce que l'humour corrosif des bonnes vieilles années de Piment fort demeure possible aujourd'hui, en cette ère du politically correct?
L'émission pilotée par un Normand Brathwaite survolté tapait parfois fort, et pas seulement à coups de pied sur les parois du décor érigé au Café Campus, où les spectateurs pouvaient prendre des consommations.
Les grincements de dents étaient nombreux, sans oublier ces polémiques qui ont parfois plongé l'animateur dans l'embarras.
Le principal intéressé - actuellement en vacances sous le soleil mexicain - assurait récemment en entrevue que l'émission conserverait son ton grinçant et qu'il n'aurait pas à badigeonner ses piments dans la sauce aigre-douce.
Producteur chez Avanti - la boîte derrière l'émission -, Hugo Roberge abonde dans le même sens et insiste: Piment fort est une formule pour s'amuser et faire des blagues. Il ajoute que la première génération de l'émission n'était pas un festival de malaises et de dérapages. «Il n'y aurait pas eu sinon huit saisons et 1300 émissions», lance M. Roberge, qui s'est tapé 200 «vieilles» émissions pour déduire que les vacheries gratuites étaient plutôt rares.
Du jeu initial, la formule de base restera la même: l'animateur, des panélistes et une ambiance de comedy-club. Pour le reste, l'émission sera adaptée à son époque, assure le producteur.
«J'ai six nouveaux jeunes auteurs très hot qui vont donner le ton. On ne veut plus faire de l'humour comme avant, on veut faire de l'humour de 2016.»
Piment fort ne perdra pas tout son mordant pour autant. Certains politiciens et personnes devront s'attendre à recevoir quelques taloches à l'occasion. «On va rire de ce que les gens font, pas de ce qu'ils sont», résume le producteur.
«Il y a un tas de contraintes aujourd'hui»
Sans céder à la nostalgie, le journaliste, professeur de journalisme et humoriste à la retraite, Marc Laurendeau croit que l'époque des Cyniques était un temps de grande liberté. «Il y a un tas de contraintes aujourd'hui. Tout ce qui concerne les minorités ethniques ou les différences physiques notamment», explique M. Laurendeau, qui ajoute que les tabous ont aussi changé en ce qui a trait à la religion. «Ça tient au fait qu'on est devenus une société inclusive. On ne peut plus rire de tout ça», observe-t-il.
Les Cyniques étaient irrévérencieux pour leur époque, en contestant des acteurs jusqu'alors intouchables et en s'attaquant aux interdits d'une société en pleine Révolution tranquille. «Certains tabous ont aujourd'hui disparu, notamment sur le plan de la langue. À l'époque, on ne sacrait pas», explique M. Laurendeau, faisant référence à certains sketchs du collectif.
«La caractéristique de Piment fort était l'humour personnalisé. J'ai hâte de voir comment ils vont se débrouiller aujourd'hui», souligne M. Laurendeau. Il évoque les nombreuses associations des droits de la personne et groupes de pression, sans oublier les avocats qui scrutent les textes à la loupe, autant de facteurs qui raccourcissent considérablement la mèche de la controverse.
Marc Laurendeau lance quelques flèches au passage à ces vieux concepts qui reviennent, comme Piment fort, Ti-Mé ou Séraphin.
«J'ai bien aimé le début du dernier Bye bye, où l'on parodiait le retour des "dinosaures". La télévision manque-t-elle d'imagination? Est-ce de la nostalgie? Est-ce qu'on privilégie une recette gagnante?»
Producteur à la fois du Ti-Mé show et du nouveau Piment fort, Hugo Roberge se défend de vouloir surfer sur de vieux succès. «Les gens ont été durs avec Claude Meunier, qui est une légende de l'humour et un grand créateur. Avec Piment fort, les jeunes vont s'y retrouver. Ça n'a rien à voir avec la nostalgie ou le recyclage, ce sont de grands talents», se félicite le producteur.
Retour du balancier?
Chroniqueur à l'émission La soirée est (encore) jeune, présentée chaque semaine à Radio-Canada, Jean-Sébastien Girard témoigne des difficultés à faire de l'humour au XXIe siècle.
Il l'a lui-même vécu à la dure en juin dernier en traitant à la blague des citoyens de Québec de «mongols». Ce qui se voulait au départ une blague anodine s'est alors mué en crise médiatique inattendue.
Les complexités contemporaines ont aussi été palpables un peu avant Noël, lorsque l'émission a reçu Guy A. Lepage.
«On voulait reprendre les personnages des deux bitchs de RBO. Ce sont deux gais qui potinent. Tout le monde a eu peur malgré la référence historique et le contexte. On a enlevé pratiquement tout ou presque. On s'est censurés spontanément.
Finalement, Guy A. a choisi d'aller plus loin, l'a fait et l'a pris sur lui. Mais il y avait de la nervosité», admet Jean-Sébastien Girard, qui s'avoue un brin plus frileux depuis le «mongolgate».
«On croyait qu'on avait une sorte d'immunité jusque-là. On s'étonne toutefois d'aller aussi loin dans le contexte actuel», observe M. Girard, qui considère que son émission demeure une sorte de «bulle» un peu imperméable à la rectitude ambiante. «On a la chance d'avoir un public brillant qui comprend les degrés de l'humour», s'enorgueillit le chroniqueur.
Il s'étonne, mais se réjouit aussi, du retour de Piment fort, qui avait laissé un goût amer dans la bouche de certains. «Je pense que la Soirée répond à un besoin de ces gens qui en ont assez de cette époque aseptisée. Avec Piment fort, on assiste peut-être à une espèce de retour du balancier.»
Premiers Piments
Normand Brathwaite distribuera ses premiers piments dès le 11 janvier. La saison s'amorcera avec Mariana Mazza, Dominic Sillon et Guy Jodoin. Les Phil Roy, Tammy Verge, Michel Barrette, Jean-François Mercier, Katherine Levac défileront ensuite au Café Campus tout au long de la saison. L'émission sera présentée du lundi au jeudi à 19h sur les ondes de TVA.

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