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vendredi, janvier 15, 2016

Burundi: massacres ethniques, charniers et viols collectifs

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Publié le 15 janvier 2016 à 08h52 | Mis à jour à 09h06
Un homme pousse son vélo sur lequel repose... (PHOTO GRIFF TAPPER, ARCHIVES AFP)
PHOTO GRIFF TAPPER, ARCHIVES AFP
Un homme pousse son vélo sur lequel repose un cercueil qu'il doit livré à Kanyosha, en banlieue de Bujumbura, le 10 janvier. Au moins 439 personnes ont été tuées au Burundi entre le 26 avril 2015 et le 14 janvier, selon l'ONU.

Agence France-Presse
GENÈVE
L'ONU a dénoncé vendredi l'existence de massacres ethniques, de charniers avec une centaine de cadavres et de viols collectifs commis par les forces de sécurité au Burundi, pays plongé depuis fin avril dans une grave crise politique.
Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, Zeid Ra'ad Al Hussein, a averti que «tous les signaux d'alarme, y compris celui d'une dimension de plus en plus ethnique de la crise, sont en train de virer au rouge», ajoutant qu'un «effondrement complet de l'ordre public est imminent».
Ce petit État d'Afrique centrale est plongé dans un cycle de violences depuis l'annonce fin avril de la décision du président Pierre Nkurunziza de solliciter un troisième mandat, qu'il a remporté en juillet.
Ses opposants l'accusent d'avoir violé la Constitution et l'Accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile de 1993-2006.
Dans un communiqué, le Haut-Commissaire de l'ONU a dénoncé «des violences sexuelles commises par des membres des forces de sécurité et une forte augmentation des disparitions forcées et des tortures».
Il a aussi réclamé une enquête sur «l'existence possible d'au moins neuf charniers» à Bujumbura et dans ses environs, y compris un dans un camp militaire.
Selon des témoins, cités dans le communiqué, ils contiendraient au moins 100 corps, tous tués lors d'attaques lancées le 11 décembre contre trois camps militaires.
«Mon organisation est en train d'analyser des images satellites afin d'apporter des éclaircissements sur ces allégations très graves», a dit M. Zeid.
L'expert sur l'Afrique du HCR, Scott Campbell, a déclaré vendredi que trois représentants de l'institution avaient prévu de se rendre sur place le 25 janvier, mais sans garantie d'avoir des visas.
«Il est désormais tout à fait clair qu'une enquête indépendante, approfondie, crédible et impartiale est nécessaire sans délai, et que les sites des fosses communes présumées doivent être protégés», a affirmé M. Zeid.
Évoquant les viols attribués aux forces de sécurité, il a cité «13 cas de violence sexuelle contre des femmes» commis «dans les quartiers perçus comme soutenant l'opposition».
«Le scénario était similaire dans tous les cas : les forces de sécurité seraient entrées dans la maison des victimes, auraient séparé les femmes des autres membres de famille et les auraient violées, leur faisant subir dans certains cas des viols collectifs», a-t-il indiqué.
«Le nombre croissant de disparitions forcées, conjugué aux allégations sur l'existence de lieux de détention secrets et de charniers, est extrêmement alarmant», a-t-il déploré.
Vers un «désastre»
M. Zeid a par ailleurs souligné le danger de «l'émergence d'une dimension ethnique» dans les violences.
Il a cité le témoignage d'une des femmes victimes d'abus sexuels qui a déclaré que son agresseur lui aurait dit qu'elle payait le prix d'être tutsi. «Dans le quartier de Bujumbura appelé Nyakabiga, un autre témoin a déclaré que les Tutsis avaient été systématiquement tués, alors que les Hutus avaient été épargnés».
Le Haut-Commissaire a également souligné qu'«au moins 130 personnes avaient été tuées en décembre», soit le double du mois précédent. Au moins 439 personnes ont trouvé la mort entre le 26 avril et le 14 janvier, selon l'ONU.
«L'impunité rampante persiste pour toutes les violations des droits de l'homme commises par les forces de sécurité et les Imbonerakure (milice armée progouvernementale, NDLR), et ce en dépit des nombreuses preuves de leur responsabilité dans ces crimes de plus en plus graves», a déclaré M. Zeid.
«Cela indique qu'un effondrement complet de l'ordre public est imminent. Les groupes d'opposition armés devenant plus actifs et la dimension ethnique - au potentiel mortifère - réapparaissant, tout ceci aboutira inévitablement à un désastre, à moins que la trajectoire actuelle de dégradation rapide de la situation ne cesse», a-t-il averti.
Les violences au Burundi ont déjà poussé plus de 200 000 personnes à quitter le pays, selon l'ONU.

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