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mardi, décembre 15, 2015

Sombre rapport sur les conditions de vie des femmes autochtones

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Publié le 15 décembre 2015 à 07h16 | Mis à jour à 07h16
Une semaine après l'annonce d'une enquête publique nationale... (PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE)
PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Une semaine après l'annonce d'une enquête publique nationale sur les femmes autochtones disparues ou assassinées, un rapport publié hier par l'organisme Femmes autochtones du Québec fait état des conditions de vie difficiles des femmes issues des Premières Nations.

Dans un rapport publié hier, l'organisme Femmes autochtones du Québec fait état des conditions de vie difficiles des femmes issues des Premières Nations, mais aussi de leur méfiance envers plusieurs organismes québécois, méfiance qui les empêche souvent d'aller chercher l'aide nécessaire.
Selon la Gendarmerie royale du Canada (GRC), au moins 46 homicides de femmes autochtones ont été répertoriés entre 1980 et 2012 au Québec. Le rapport soulève plusieurs facteurs contributifs, qui vont de la loi du silence dans les communautés à la honte qui empêche nombre de femmes de demander de l'aide, en passant par les problèmes de profilage racial et le manque de services. 
Voici quatre des principaux problèmes, dans les mots de quatre femmes.
La DPJ
«Je sais qu'il y a eu des enlèvements d'enfants, par exemple, je ne sais pas si ça compte... Avec le système de services sociaux. [...] Vraiment le système [...], je ne sais pas où est la faille. Même si tu n'as plus les droits parentaux, est-ce que ça donne le droit de mettre le parent à l'écart ? C'est quand même son enfant, c'est lui qui l'a mis au monde. Eux, ils sont venus chercher l'enfant, la mère l'a mis au monde.  [...] C'est pas facile [...], t'es à la mauvaise place au mauvais moment, tu perds tout.»
Jeannine
intervenante dans une communauté autochtone
Selon le groupe Femmes autochtones du Québec, certains membres des communautés comprennent mal le fonctionnement de la DPJ. Pour certaines, la crainte de perdre leurs enfants est telle qu'elles évitent d'aller chercher de l'aide lorsqu'elles en ont besoin. « Les femmes autochtones vivant dans une situation où elles auraient besoin d'aide, comme une relation avec un conjoint violent, peuvent choisir de ne pas demander d'aide de peur de faire l'objet d'un signalement à la DPJ. Cette menace accentue leur vulnérabilité et celle de leurs enfants », dit le rapport.
La crise du logement
«Il y a des jeunes filles qui n'ont pas de maison et qui ont deux ou trois enfants. Il nous manque des maisons, je veux dire. [...] Comme des fois, il y a des familles qui se retrouvent beaucoup dans leur maison. [...] Des fois, c'est là qu'il y a des problèmes de violence familiale, je veux dire.»
Anouk
intervenante, communauté autochtone
Le manque de logements est criant dans plusieurs communautés autochtones. Selon un document du Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) datant de 2014, 34 % des logements y ont besoin de rénovations et 23 % des logements sont trop petits, contre moins de 8 % pour le reste du Québec. Une situation qui contribue au cycle de la violence. « Dans certains villages, plusieurs familles doivent s'entasser dans de petites maisons. Évidemment, dans un tel contexte, les situations de violence se trouvent souvent exacerbées, les personnes ne pouvant quitter leur demeure pour s'établir ailleurs ni protéger leur famille d'actes de violence perpétrés sous leur toit », indique le rapport.
Les services sociaux
«Les ressources [non autochtones], dans leur bon vouloir, veulent implanter des programmes ou des ressources de réhabilitation [pour autochtones, mais] tant et aussi longtemps que ça ne vient pas de la base, et qu'il n'y a pas de femmes autochtones d'impliquées, ça ne fonctionnera pas.»
Catherine
responsable de dossiers, milieu urbain
Selon les témoignages récoltés par Femmes autochtones du Québec, la violence fait rarement l'objet de dénonciations auprès des autorités ou des services sociaux. Pourquoi ?
Il y a d'abord le manque de confiance des populations autochtones envers ceux qui offrent les services. « Cette méfiance participe du phénomène des femmes autochtones disparues ou assassinées puisqu'elle constitue une entrave importante aux demandes que pourraient faire les femmes qui en ont cruellement besoin. Sans service, la sécurité de ces femmes est à son tour compromise, ce qui contribue ultimement à les vulnérabiliser davantage », dit le rapport.
La police
«Il y a une femme qui a été assassinée, qui a été tuée... Mais les policiers, ils disaient que c'était un suicide. [...] C'était affreux. Elle était mère. Elle était mère... Et le policier disait qu'elle s'était suicidée, et on savait tout le monde qui était l'homme qui l'a battue, qui était l'homme qui l'a tuée.»
Anita
intervenante en milieu urbain
Les relations ne sont pas toujours faciles avec les services de police; l'émission Enquête de Radio-Canada l'a démontré. Les résultats du rapport de Femmes autochtones du Québec vont dans le même sens. «Le travail des forces de l'ordre a été fortement critiqué au cours des dernières années lorsqu'il s'agit d'intervenir tant auprès des victimes autochtones que de leurs familles», souligne le document, qui fait notamment référence à une quarantaine de rapports existants sur la question des femmes autochtones disparues ou assassinées et qui font état du racisme des policiers, «de leur incrédulité face aux plaintes qui leur sont rapportées, du temps d'attente trop long avant de mettre en branle les enquêtes concernant les femmes autochtones, du peu de communication, d'une part entre les corps policiers chargés d'un seul et même cas, et d'autre part avec les familles des victimes à chacune des étapes de leur enquête».