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jeudi, décembre 31, 2015

L’opposition a encore des «croûtes à manger» pour ébranler le «monopole libéral»

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31 décembre 2015 | Marco Bélair-Cirino - Correspondant parlementaire à Québec | Québec
Le mariage du chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, avec la célèbre animatrice et productrice Julie Snyder, en août 2015, a fait courir les journalistes politiques et culturels, mais surtout les foules, devant l’entrée de la chapelle du Musée de l’Amérique francophone.
Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne
Le mariage du chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, avec la célèbre animatrice et productrice Julie Snyder, en août 2015, a fait courir les journalistes politiques et culturels, mais surtout les foules, devant l’entrée de la chapelle du Musée de l’Amérique francophone.
Ce texte fait partie de notre section Perspectives.
Les partis d’opposition ont bruyamment dénoncé les effets des coupes tous azimuts effectuées par le gouvernement libéral pour atteindre coûte que coûte l’équilibre budgétaire au terme de l’année financière 2015-2016. Malgré cela, ils ont échoué à ébranler les certitudes de l’équipe de Philippe Couillard.
 
Ni le Parti québécois, ni la Coalition avenir Québec, ni Québec solidaire n’est parvenu à rallier suffisamment de mécontents du redressement des finances publiques pour se hisser en cette fin d’année mouvementée au premier rang des sondages d’opinion. Pâtissant d’un taux d’insatisfaction de 60 %, le Parti libéral du Québec demeure bien en selle. Il figure en tête des intentions de vote avec 35 % d’appuis, gracieuseté de la dispersion des voix de la majorité. Le PQ, la CAQ et QS sont crédités de respectivement 32 %, 20 % et 10 % des appuis, selon un coup de sonde effectué par Léger en novembre. D’ailleurs, ils obtenaient un score identique en juin.
 
Pierre Karl Péladeau avait été préféré quelques semaines plus tôt à Alexandre Cloutier et à Martine Ouellet pour prendre les rênes du PQ. Face à l’inéluctabilité de sa victoire, le PQ avait bondi de six points en un mois, passant de 28 % à 34 % dans les intentions de vote entre avril et mai.
 
Plus d’un an après qu’ils eurent essuyé une défaite humiliante (25,4 % des voix au scrutin de 2014), les membres du PQ ont dit « oui » à l’actionnaire de contrôle de Québecor le 15 mai au Centre des congrès de Québec. Le rendez-vous politique a certainement éveillé la curiosité des Québécois, mais pas autant que son mariage trois mois plus tard avec la célèbre animatrice et productrice Julie Snyder dans le Vieux-Québec. L’événement mondain a fait courir les journalistes politiques et culturels, mais surtout les foules, devant l’entrée de la chapelle du Musée de l’Amérique francophone.
 
« Modèle québécois »
 
Tout au long de la course à la direction du PQ, « PKP » s’est affairé à adoucir l’image de « roi du lockout » qui lui collait à la peau, notamment en se portant à la défense du « modèle québécois ». Aux commandes du PQ, il s’est joint au mouvement « Je protège mon école publique ». À plusieurs reprises, il a pris part à des chaînes humaines devant des écoles. En s’affichant bras dessus bras dessous avec des parents inquiets du resserrement des services aux élèves, il a également donné suite à sa volonté d’accroître la présence des élus péquistes hors de l’Assemblée nationale, « sur le terrain ».
 
Le ralliement du caucus péquiste au projet de loi visant à mettre fin au douloureux conflit de travail des concessionnaires automobiles au Saguenay–Lac-Saint-Jean contribuera certainement aussi à estomper la méfiance à son endroit en prévision de l’élection partielle dans Chicoutimi.
 
Un scrutin s’avère nécessaire à la suite du départ précipité de l’arène politique de l’ex-chef intérimaire du PQ Stéphane Bédard. Relégué au poste de porte-parole de l’opposition officielle en matière de justice et de lois professionnelles début septembre, M. Bédard a plié l’échine fin octobre. À quelques jours de la rentrée parlementaire, M. Péladeau avait choisi Bernard Drainville pour occuper le poste névralgique de leader parlementaire de l’opposition officielle. L’ancien ministre avait eu la générosité de se retirer de la course à la succession de Pauline Marois, ce qui a grandement facilité l’élection de « PKP » au premier tour.
 
La révision des responsabilités au sein de l’aile parlementaire du PQ, qui s’est échelonnée sur plusieurs mois, a entraîné son lot de démissions et des congédiements. « Il y a un nouveau chef et il y a une nouvelle organisation », a expliqué M. Péladeau.
 
Dur apprentissage
 
Pierre Karl Péladeau poursuit son apprentissage du jeu politique, moins de deux ans après avoir fait une entrée fracassante sur la scène politique québécoise.
 
En marge du dernier Conseil national du PQ, il s’est abstenu de balayer du revers de la main la partition du territoire québécois advenant un Oui à un éventuel référendum, et ce, de crainte de froisser le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations, Ghislain Picard. Plusieurs observateurs politiques ont alors mis en doute son jugement politique. « Oui, j’ai certainement encore […] des croûtes à manger », a-t-il reconnu.
 
En 2016, M. Péladeau s’affairera également à redémarrer la machine indépendantiste, plus de 20 ans après le référendum de 1995. Avec quelques semaines de retard, l’institut de recherche scientifique et appliquée sur l’indépendance du Québec devrait ouvrir ses portes. Celui-ci contribuera à doter le PQ d’un « puissant » argumentaire. « Il n’y a pas d’ambiguïté chez Pierre Karl Péladeau, il est celui qui veut faire du Québec un pays », a-t-il répété cet automne, cherchant à polariser l’électorat québécois entre fédéralistes et indépendantistes.
 
En coulisse, ses proches prépareront minutieusement le prochain congrès du PQ, durant lequel le programme du PQ — et éventuellement l’article 1 — sera revu et corrigé en vue des prochaines élections générales, prévues à l’automne 2018.
 
D’ici là, il y a fort à parier que de nouvelles divergences de vues au sein du caucus péquiste éclateront au grand jour. En 2015, M. Péladeau s’est distancié de son équipe de députés sur le projet de pipeline Énergie Est et les cibles québécoises de réduction de gaz à effet de serre. « Des tensions, il y en a toujours. Il y en aura toujours, et puis ça fait partie de la vie », a-t-il fait valoir lors du bilan de la session parlementaire.
 
Par ailleurs, son statut d’actionnaire de contrôle de Québecor risque de le hanter de nouveau en 2016, les autres formations politiques n’en ont pas fini. Elles ne se satisferont pas du rapport indépendant du Centre d’études sur les médias (CEM) de l’Université Laval dévoilé à la veille de la période des Fêtes.
 
S’il tient parole, le premier ministre Philippe Couillard ne lui laissera « pas un pouce ».
 
Annus horribilis
 
Le chef de la CAQ, François Legault, tourne la page sur une année difficile, durant laquelle Chauveau est tombé dans l’escarcelle du PLQ, l’ex-présidente de la CAQ Dominique Anglade a été élue dans Saint-Henri–Sainte-Anne sous la bannière du PLQ et Sylvie Roy a quitté son caucus. « Vive l’année 2016 ! » En 2015, la CAQ a été victime de l’attention médiatique accordée tour à tour à la course à la direction du PQ, puis à la campagne électorale fédérale.
 
La CAQ, maintenant dotée d’une nouvelle « proposition nationaliste audacieuse et rassembleuse », constitue la seule véritable solution de rechange au « monopole libéral », continuera-t-il de marteler inlassablement. M. Legault cherchera à convaincre les sympathisants du PQ que le projet indépendantiste est mort et enterré. « À moins d’être complètement déconnecté de la réalité, il n’y a pas une majorité de Québécois qui voterait Oui à un référendum sur la souveraineté, c’est une réalité indiscutable. »
 
À l’Assemblée nationale, QS se comporte comme une « opposition à la fois extrêmement ferme, mais constructive et mobilisatrice », a résumé la députée de Gouin, Françoise David, en dressant le bilan de la session d’automne.
 
De toutes les batailles contre l’austérité libérale, les solidaires tenteront de faire barrage au projet de loi 70, qui restreindra, s’il est adopté tel quel, l’accès aux prestations à l’aide sociale. « Vraiment, le sort fait aux plus vulnérables de notre société est extrêmement difficile en ce moment, alors que, pour les mieux nantis, ça va franchement bien », a affirmé Mme David.
 
Mince consolation, les solidaires pourront — à moins d’une surprise — célébrer l’adoption du projet de loi 492 visant à protéger les droits des locataires aînés, dont Françoise David est l’auteure, et ce, après la reprise des travaux.