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mercredi, novembre 25, 2015

Rapport Charbonneau : avant de dire « tout ça pour ça! »

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Mise à jour le mardi 24 novembre 2015 à 19 h 55 HNE

Si le travail d'une commission d'enquête est de trouver des coupables, alors la commission Charbonneau aura lamentablement échoué. Si son travail est de découvrir les rouages d'un système maléfique et de les démanteler, alors, elle a été un grand succès.
Une analyse de Michel C. Auger, animateur de Midi infoTwitterCourriel
Michel C. Auger
Évidemment, ceux qui rêvaient de voir des politiciens connus être embarqués dans des voitures de police avec les menottes au poing seront déçus. Mais cela est justement le travail de la police. Les commissions d'enquête existent pour autre chose.
On a recours à une commission quand les moyens habituels, soit de combattre le crime et de bien connaître une situation, s'avèrent inefficaces. La commission est un moyen d'exception et ne vise pas à remplacer les autres institutions de la société.
Que devait faire la commission Charbonneau? Enquêter sur la façon dont étaient octroyés et remplis les contrats publics dans l'industrie de la construction. Au passage, elle devait aussi regarder le comportement des principaux acteurs de cette industrie, dont les syndicats.
Faire le ménage
Puisque, comme disent les scientifiques, l'observation change le phénomène, le projecteur cru et puissant qu'a jeté la commission sur l'ensemble des dossiers dans l'industrie de la construction aura fait en sorte que les principaux mis en cause n'ont pas attendu le rapport pour faire le ménage.
La Fédération des travailleurs du Québec a fait un certain, bien qu'imparfait, nettoyage dans ses syndicats des métiers de la construction. Elle aura aussi mis de l'ordre dans la gouvernance de son Fonds de solidarité.
Les liens entre les contrats publics et les contributions aux partis politiques ont été si bien établis - quoi qu'en ait dit le commissaire Renaud Lachance - que les lois sur le financement des partis politiques ont été changées sans même attendre le rapport. La pratique des « prête-noms », qui était devenue la norme, est pratiquement tombée en désuétude avec le rabaissement des contributions maximales à un parti politique de 3000 $ par an à 100 $.
Même l'Unité permanente anticorruption (UPAC) - qui, ironie, avait été créée avec l'Opération Marteau pour prévenir la création d'une commission d'enquête - peut être considérée comme une des réalisations de la commission Charbonneau.
Tout comme le Bureau de l'inspecteur général à la Ville de Montréal, qui, même si l'institution ne peut tout prévenir, réussit quand même à mettre des bâtons dans les roues de ceux qui voudraient truquer le système.
Un peu partout, le ménage s'est fait pendant les travaux de la commission Charbonneau et à cause des audiences de celle-ci. On a tellement bien montré ce qui ne marchait pas, qu'il aurait été impensable de ne pas tenter d'y remédier tout de suite.
La commission a péché par... omission
Est-ce que la commission a un dossier parfait? Évidemment pas. On comprend mal qu'elle ait mis autant d'efforts et d'énergie sur les dossiers au niveau municipal pour étudier avec beaucoup moins de profondeur ceux qui relèvent du gouvernement provincial. Triste... Un choix discutable qui pourra leur être reproché. On pourrait dire que la commission a péché par omission!
De même, on notera que les blâmes sont décernés à des politiciens qui sont déjà à terre, comme Gérald Tremblay, pendant qu'on épargne les plus puissants, qui pourraient être tentés de contester les conclusions de la commission devant les tribunaux.
Et on peut déplorer longtemps que le commissaire Lachance n'ait jamais à s'expliquer plus avant sur sa dissidence qui a pour effet de discréditer, au moins aux yeux de certains, une partie centrale du rapport.
Avant de dire « tout ça pour ça », il faut quand même reconnaître que la politique et le syndicalisme au Québec sont plus propres qu'avant la commission Charbonneau. Est-ce que la corruption, la collusion et les trafics d'influence sont éradiqués et disparus pour toujours? Bien sûr que non. Comme la commission Cliche des années 1970 n'a pas fait disparaître pour toujours les éléments criminels dans les syndicats de la construction.
Mais si on suit bien les recommandations du rapport, on peut penser ou, au moins espérer, que la prochaine commission d'enquête ne sera pas nécessaire avant quelques décennies.