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jeudi, novembre 12, 2015

Eugenie Bouchard et ses impôts floridiens

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Publié le 12 novembre 2015 à 06h11 | Mis à jour à 06h11
Eugenie Bouchard a changé son lieu de résidence pour Miami... (Photo Frank Gunn, archives PC)
PHOTO FRANK GUNN, ARCHIVES PC

Eugenie Bouchard a changé son lieu de résidence pour Miami Beach, en Floride. La Floride est une destination prisée, notamment en raison des infrastructures d'entraînement et du fait qu'il s'agit de l'un des quatre États américains sans impôt d'État sur le revenu.

La joueuse de tennis québécoise Eugenie Bouchard a déménagé en Floride, une décision qui lui permettra vraisemblablement de réduire ses impôts, selon des spécialistes consultés parLa Presse. Un rappel que le tennis est un sport fiscalement complexe.
Depuis ses débuts professionnels en 2012, Eugenie Bouchard, qui est née et a grandi principalement au Québec, résidait à Montréal, selon sa fiche sur le site internet de la WTA. Entre le tournoi de Wimbledon en juin et les Internationaux des États-Unis à la fin d'août, l'athlète de 21 ans a changé son lieu de résidence pour Miami Beach, en Floride, l'un des quatre États américains qui n'ont pas d'impôt sur le revenu de leurs résidants.
Les résidants fiscaux de la Floride sont assujettis à un taux d'imposition fédéral maximal qui est de 39,6%, contre 49,97% au Québec (taux fédéral et québécois combinés).
«Il y a 10 points de pourcentage de différence. [...] Je ne pense pas qu'un athlète professionnel déménage en Floride pour sauver de l'impôt, du moins ce n'est pas la raison principale. Oui, l'athlète paiera moins d'impôts qu'au Québec, mais c'est marginal, compte tenu des revenus [en jeu]», dit Martin Caron, directeur en fiscalité internationale au sein de la firme comptable Raymond Chabot Grant Thornton.
Tant au Canada qu'aux États-Unis, le dossier fiscal d'Eugenie Bouchard - comme celui de tous les contribuables - est confidentiel. Ses deux agentes, Jill Smoller et Mary Jane Orman, n'ont pas répondu aux courriels de La Presse au sujet des motifs du déménagement d'Eugenie Bouchard, finaliste à Wimbledon en 2014 et actuellement 48e raquette mondiale.
Une question de faits
Au Canada, la résidence fiscale est essentiellement une question de faits. La question est de savoir si le contribuable conserve suffisamment de liens avec le Canada pour être réputé résidant fiscal et payer de l'impôt au Canada sur l'ensemble de ses revenus mondiaux. «La résidence est basée sur les liens qu'on peut conserver avec le Canada, dit le fiscaliste et comptable Martin Caron. Si ses liens sont plus forts avec les États-Unis, probablement qu'elle est résidante des États-Unis.»
«Il faut voir si elle a un lien physique [nombre de jours de résidence] ou des liens avec ce pays comme un condo, un compte bancaire, des abonnements à des clubs sociaux, un conjoint ou des enfants qui vivent dans ce pays», dit André Lareau, professeur en droit fiscal à l'Université Laval. Un autre exemple de lien qui sera scruté par les autorités fiscales: le permis de conduire. Plus tôt cette semaine, Eugenie Bouchard a publié sur son compte Instagram une photo avec son nouveau permis de conduire de la Floride.
Un lien qui ne compte pas aux yeux des autorités fiscales dans leur examen de la résidence: le pays que représente un athlète professionnel sur la scène internationale (le Canada dans le cas d'Eugenie Bouchard). «Le fait de jouer pour un pays ne change rien», dit Martin Caron.
Pas un cas isolé
Eugenie Bouchard est loin d'être la seule joueuse de tennis qui ne réside pas dans le pays qu'elle représente officiellement. Plusieurs membres de l'élite mondiale résident dans un autre pays.
La Floride est une destination prisée, notamment en raison des infrastructures d'entraînement et du fait qu'il s'agit de l'un des quatre États américains sans impôt d'État sur le revenu. Les soeurs Serena et Venus Williams, originaires de la Californie, résident en Floride. La Russe Maria Sharapova y réside depuis le début de son adolescence.
Adolescente, Eugenie Bouchard a aussi passé plusieurs années à s'entraîner en Floride, avant de revenir au Centre national d'entraînement de Tennis Canada à Montréal.
Au Canada, tous les joueurs professionnels membres du top 50 mondial masculin résident dans des pays considérés comme des paradis fiscaux: Milos Raonic à Monaco, Vasek Pospisil et Daniel Nestor aux Bahamas. En s'établissant en Floride, Eugenie Bouchard aura vraisemblablement une facture fiscale plus élevée qu'eux, même si son taux d'imposition sera moindre qu'au Québec.

CINQ CHOSES À SAVOIR SUR LA FISCALITÉ AU TENNIS

La fiscalité des joueurs de tennis, qui gagnent leur vie partout dans le monde comme travailleurs autonomes, est complexe. En 2014, Eugenie Bouchard a gagné des revenus en disputant des tournois dans 17 pays.
Des conventions fiscales
En vertu des conventions fiscales du Canada et des États-Unis, les joueurs établis dans ces deux pays paient des impôts en premier lieu dans les pays où ils disputent des tournois, puis doivent payer dans leur pays de résidence l'écart avec le taux d'imposition de leur pays de résidence (ils ont droit à un crédit d'impôt pour l'impôt payé dans la première juridiction). À titre d'exemple, si un joueur résidant au Québec (taux d'imposition 49,97%) dispute un tournoi en Floride (taux de 39,6%), il paiera ensuite la différence (10,37%) au Québec à la fin de l'année fiscale.
La Coupe Rogers
La Coupe Rogers prélève 24% des bourses des joueurs au tournoi montréalais (15% à Ottawa, 9% au Québec) comme impôt à la source pour les non-résidents. Il s'agit - de loin - de l'impôt à la source le plus élevé sur le circuit de l'ATP et la WTA. «Cet impôt prélevé à la source n'est pas libératoire, précise le fiscaliste Martin Caron. Si l'athlète a des dépenses, il peut produire une déclaration [et déduire ses dépenses].»
Monaco
La Principauté de Monaco, qui n'a pas d'impôt sur le revenu, est l'un des lieux de résidence les plus populaires (ex. le numéro un mondial Novak Djokovic et le Canadien Milos Raonic). Parmi les membres du top 10 féminin, les Tchèques Petra Kvitova et Lucie Safarova habitent à Monaco.
Entre 20 et 30%
À titre d'exemple, le joueur de tennis canadien Daniel Nestor a déjà confié à La Presse que son taux d'imposition globale variait «entre 20% et 30%» sur ses revenus même s'il réside aux Bahamas, qui n'a pas d'impôt sur le revenu.
Les commandites
Le cas des revenus de commandites - souvent plus importants que les revenus sur le terrain pour les vedettes du circuit commeEugenie Bouchard - est encore plus compliqué. «Il faudrait voir la source du revenu des contrats de commandites, il faudrait voir les clauses des contrats», dit le fiscaliste Martin Caron.