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mardi, septembre 22, 2015

Travailler pour s’appauvrir

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MISE à JOUR 
Théoriquement, le capitalisme repose sur la promesse suivante: travaillez fort et vous améliorerez votre sort. Vos efforts seront payés de retour. Souvent, ça fonctionne. Mais pas tout le temps.
Et pour dire vrai, de moins en moins souvent. On trouve dans nos pages, ces jours-ci, un dossier sur des hommes et des femmes qui voient leur vie soudainement fauchée ou brisée par de grandes restructurations économiques. Leur histoire est poignante et insensée.
Le même scénario se répète
Le scénario est souvent le suivant. Dans une petite ou moyenne ville industrielle, l’usine qui employait depuis des décennies les gens du coin ferme. Restructuration, dit-on. Il est bien possible que l’usine migre au Mexique, en Europe de l’Est ou en Asie.
Résultat: la communauté est plombée. Hier, des pères et des mères gagnaient bien leur vie et pouvaient ainsi assurer leurs responsabilités familia­les. Aujourd’hui, ils sont condamnés à la précarité et à vivoter.
Certains s’en tireront. Ils s’attraperont, après un certain temps, un emploi à peu près équivalent. Mais la grande majorité assistera à une chute brutale et définitive de sa situation économi­que. Pire que tout, on trouvera toujours, ici et là, de faux réalistes qui sont de vrais sans-cœur pour dire à ces hommes de reprendre leur vie en main et de la recommencer à zéro, car la société ne fait pas de cadeaux.
Le commun des mortels, quoi qu’on en dise, n’est pas ravagé par le rêve américain d’une fortune exceptionnelle. Il rêve plus modestement d’une vie décente.
Mais on ne dit pas la même chose à un jeune homme de 25 ans qu’à un homme dans la cinquantaine qui se croyait enfin installé dans l’existence. D’une certaine manière, la société les a trahis.
Le commun des mortels, quoi qu’on en dise, n’est pas ravagé par le rêve américain d’une fortune exceptionnelle, assurant gloire et richesse dans l’ordre social. Il rêve plus modestement d’une vie décente.
Mais cette aspiration élémentaire est de plus en plus écrasée.
Simplement vivre une vie décente
Qu’est-ce qu’une vie décente? Une vie où l’essentiel est assuré, où de grands repères, comme la famille et le travail sont fixés. Une vie où l’individu pourra, grâce à cette sécurité fondamentale, se projeter dans l’avenir, faire des projets sans être toujours ramené aux exigences élémentaires de la survie. Une vie où il ne risque pas, 15 ans avant sa retraite, de voir son salaire réduit de moitié pour un travail deux fois plus pénible.
À leur manière, les jeunes ont intériorisé cette nouvelle réalité. On les a même convaincus qu’il s’agissait d’une chance inouïe. Ils n’auront pas d’emploi durable? Chic, ils pourront changer souvent de métier dans leur vie et ils ne s’ennuieront jamais!
Ils n’auront pas de sécurité financière ou économique? Heureusement, car la sécurité, n’est-ce pas une cage dorée qui nous endort et nous fait mourir? Réjouissez-vous d’errer, vous serez des nomades heureux!
Notre époque se vante d’être exceptionnelle. Elle n’est certainement pas sans vertu.
Mais la mondialisation débridée fait plus de mal que de bien. C’est un terrain de jeu formidable pour les spéculateurs du capitalisme finan­cier. C’est le monde rêvé de l’individu sans attaches ni racines, sans maison ni famille, à qui on promet un succès possible dans le monde entier.
C’est un monde froid et souvent cruel. Et pour parodier le slogan, fait pour le 1 % davantage que pour le 99 %.