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dimanche, juillet 26, 2015

Ottawa 2015: trois enjeux de fond

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Mathieu Bock-Coté
C’est l’été, chacun vaque à son barbecue, mais, déjà, nous sentons venir les prochaines élections fédérales. Elles sont officiellement prévues pour le 19 octobre 2015.
Certains se demandent même, à la manière d’un rituel, si elles ne seront pas avancées. Chose certaine, elles seront d’une importance capitale et pourraient représenter une petite révolution dans la vie politique canadienne. Pour trois raisons.
Trois raisons
Le Parti conservateur est au pouvoir depuis 2006. Mais il n’est majoritaire que depuis 2011. On le sait, ses stratèges souhaitaient en faire le parti natu­rel de gouvernement au Canada. Quel mandat voudra-t-il obtenir de la population, au-delà des thèmes de campagne comme la lutte contre le terrorisme ou la santé des finances publiques? On aurait tort de croire que les conservateurs ont accompli l’essentiel de leur programme.
De leur point de vue, le Canada a été dénaturé depuis plusieurs décennies par la philosophie libérale, qui dominerait encore le système médiatique et la fonction publique. Ils croient probablement devoir travailler aussi longtemps pour faire renaître leur Canada idéal. Mais quels objectifs se donneront-ils? Par exemple, s’ils obtiennent une nouvelle majorité, quel sort réserveront-ils à Radio-Canada? Quels seront leurs prochains grands coups?
Deuxième enjeu de ces élections fédérales: l’avenir de la gauche et du centre gauche à Ottawa. Au lendemain des élections de 2011, une analyse faisait consensus: les progressistes seraient condamnés à l’opposition tant qu’ils seraient divisés entre le NPD et le PLC. Ils devaient trouver une manière de s’unir à moins d’accepter de périr. Mais un autre scénario se dessine: le NPD pourrait bien gagner seul.
Qu’adviendrait-il alors du Parti libéral? Justin Trudeau sera-t-il son fossoyeur? C’est possible. C’est probablement le politicien le moins qualifié prétendant au rôle de premier ministre du Canada depuis très longtemps. Son effondrement électoral confirmerait au moins une chose: l’être ne s’efface pas toujours devant le paraître.
Ce parti attirait les ambitieux et les élites BCBG. S’il les perd, que lui restera-t-il?
Quel sera son créneau?
Et le Québec ?
Troisième enjeu: la place du Québec dans la campagne. Habituellement, on voulait le gagner en jouant une carte nationaliste. Plus maintenant. Le PCC entend seulement convaincre les Québécois que ses valeurs de droite sont les leurs. Inversement, le PLC leur dit qu’il défendra mieux leurs valeurs progressistes contre celles de Stephen Harper. Chacun vend sa camelote en se fichant des revendications du Québec. Il faut dire que le gouvernement Couillard s’en fiche aussi.
Le NPD prétend tenir compte du nationalisme québécois. Mais il propose un programme incroyablement centralisateur. Il veut qu’Ottawa s’occupe des municipalités, de garderies, d’éducation, de santé. Il empiète sur les compétences des provinces. Apparemment, les Québécois s’en fichent. Une forme d’inculture constitutionnelle les pousse à la négligence politique. Ajoutons que le NPD change de programme selon qu’il parle français ou anglais.
Quel sort attend alors le Bloc québécois? Que serait une victoire pour lui? Douze députés? Depuis son retour inattendu en politique, Gilles Duceppe l’a remis en selle.
On ne l’enterre plus à l’avance. Mais une tendance lourde joue contre lui.
Parviendra-t-il à réanimer la question nationale à Ottawa? Les Québécois sont-ils encore prêts à la prioriser, alors qu’on les invite plutôt à choisir entre la gauche et la droite?