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samedi, avril 18, 2015

«On doit expliquer ce que sera le pays»

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La bibliothèque derrière lui grimpe jusqu’au plafond. Surtout des livres politiques, naturellement. Bernard Drainville en sort un portant sur Winston Churchill, l’inoubliable politicien britannique qui se dressa devant Hitler.
« Alors que, selon les sondages, PKP vogue vers une victoire facile, on s’inspire de ceux qui ont déjoué les pronostics »
«Tiens, des mots que j’ai écrits dans la marge, en décembre 2014: “Alors que, selon les sondages, PKP vogue vers une victoire facile, on s’inspire de ceux qui ont déjoué les pronostics”», relit-il à haute voix dans le salon de sa résidence de Saint-Augustin où Le Journal l’a rencontré, lundi dernier.
Le Vieux Lion l’inspire aussi en regard du pays. «Il était la preuve vivante qu’on ne doit jamais lâcher», dit-il en refermant son bouquin.
Pas rongé par le pessimisme
«Un projet comme l’indépendance du Québec, ça carbure à l’espoir»
On est pourtant loin du grand jour, il le sait bien. Mais le candidat Drainville n’est pas rongé par le pessimisme. «Un projet comme l’indépendance du Québec, ça carbure à l’espoir», dit-il en réfutant les mauvais augures.
Le temps passe rapidement, irréversible. Vingt ans déjà depuis le deuxième référendum; le rendez-vous électoral de 2018 sera éminemment déterminant pour la suite des choses. Le PQ doit donc se faire une tête, et vite.
« On ne pourra pas dire: Bien, ça dépendra du nombre de signatures ou d’autres choses.... »
«On sait ce qui nous attend. On nous attaquera encore une fois avec le référendum. Notre réponse devra être claire en 2018. Oui, il y aura un référendum ou Non, il n’y en aura pas! On ne pourra pas dire: Bien, ça dépendra du nombre de signatures ou d’autres choses. Moi, j’ai besoin de sentir que l’appui augmente. Actuellement, il stagne, on ne peut le nier, mais je ne suis pas résigné devant ça. C’est le sens de ma candidature», explique-t-il.
«Je sais qu’il y a des gens pressés, et je suis pressé moi aussi, mais nous ne ferons l’indépendance qu’avec les Québécois, parce que c’est pour eux qu’il faut la faire», ajoute l’ancien journaliste.
De sa petite maison de la banlieue de Québec, Bernard Drainville imagine la marche à suivre, essaie de mettre en place les pièces du puzzle. Faire le pays serait se donner une liberté collective, l’addition de nos libertés individuelles en quelque sorte. Père de trois enfants, dont deux seront bientôt à l’aube de l’âge adulte, il dit savoir de quoi il parle.
Expliquer ce que sera le pays
«L’indépendance, qu’est-ce que ça me donne, à moi? What’s in it for me?»
«On doit expliquer ce que sera le pays. Les jeunes veulent savoir ce que ça leur procurera. Ils sont plus individualistes, on le sait. Il faut donc répondre à une question bien simple: L’indépendance, qu’est-ce que ça me donne, à moi? What’s in it for me?»
Champion du punch original, il ajoute: «Il faut ramener le Nous au Je»...
M. Drainville propose que le PQ crée un groupe de travail, «Force Indépendance», une instance financée à même les contributions des militants péquistes dont le mandat sera de documenter tous les aspects du débat à venir: péréquation, passeport, frontières, régime politique, etc.
Suivraient, après un retour au pouvoir, des études plus formelles, financées par l’État; une reprise de Bélanger/Campeau! Parce que les indépendantistes ne peuvent plus improviser, ça leur serait fatal. Pauline Marois ayant prédit qu’un Oui entraînerait «cinq ans de perturbations», ils devront avoir réponse à tout.
Une constitution québécoise
Autre gros morceau du puzzle: l’élaboration d’une Constitution québécoise, un «document fondateur», aux yeux de M. Drainville. L’exercice permettrait de réunir toutes les factions souverainistes. La partisanerie serait pour ainsi dire neutralisée. Du moins, il l’espère.
« C’est fou comme d’la marde »
Serait aussi évacué le scénario d’alliances électorales stratégiques. Péquistes et solidaires ont déjà envisagé des pactes dans certaines circonscriptions. «C’est fou comme d’la marde», s’exclame le candidat Drainville. Ce n’est pas nécessaire à une démarche dédiée exclusivement à l’indépendance. «Une Constitution serait plus utile qu’un partage des sièges du Salon bleu», dit-il, convaincu.
Un an après la défaite

Il ne faut pas blâmer la charte

Toujours partisan de «l’affirmation identitaire», Bernard Drainville en a marre d’être tenu responsable de la défaite d’avril 2014. Selon lui, la stratégie électorale de Pauline Marois a été beaucoup plus nuisible que la charte des valeurs.
« Ce qu’on aurait dû faire, c’est de ne pas aller en élection. »
«Ce qu’on aurait dû faire, c’est de ne pas aller en élection. Nous serions parvenus à une entente avec la CAQ. Ça, c’est clair. Mais ça ne sert à rien de réécrire l’histoire», lance-t-il, peu enclin à revenir sur le crash péquiste de 2014.
On insiste et M. Drainville rappelle que les actuels candidats à la direction du PQ ont tous participé à la dernière élection; eux aussi étaient solidaires de la stratégie électorale choisie alors.
PKP
À son avis, le PQ a perdu à cause du flou entourant l’éventualité d’un référendum. Pauline Marois a tout simplement été prise de court par le poing levé de son favori, Pierre Karl Péladeau.
« J’ai été solidaire de la stratégie, mais je n’ai rien compris »
«La charte n’a pas joué un rôle significatif dans les résultats électoraux parce que, à tort selon moi, on avait décidé de ne pas en faire un thème fort de la campagne. On l’a ramenée en catastrophe comme une bouée de sauvetage. J’ai été solidaire de la stratégie, mais je n’ai rien compris», raconte le député de Marie-Victorin.
« Ce fut une décision incompréhensible »
«Ça a été perçu comme une décision électoraliste, et avec raison, ce n’est pas moi qui va blâmer les électeurs. On aurait dû dire aux Québécois qu’on voulait terminer notre travail sur la laïcité. Ce fut une décision incompréhensible», résume le père de la charte.
Mais aujourd’hui, pas question de renier ses convictions. «Si on y croit vraiment à l’égalité homme/femme, assumons-nous!», dit-il.
Intégrisme
Bernard Drainville revient de Paris où, à l’invitation de Charlie Hebdo, on voulait l’entendre sur la laïcité et son projet de charte des valeurs.
« Je ne crois pas qu’une charte des valeurs suffise à contrer l’intégrisme, mais ce serait tout de même un point de départ »
«Je ne crois pas qu’une charte des valeurs suffise à contrer l’intégrisme, mais ce serait tout de même un point de départ, de là découlerait un certain nombre de choses. Pour le moment, nous sommes devant un grand vide juridique. Le cégep Maisonneuve, par exemple, n’a même pas un document officiel affirmant que l’État du Québec prône la neutralité religieuse», rappelle M. Drainville.
«Au lieu de s’attaquer à l’intégrisme, Philippe Couillard attaque les indépendantistes. En faisant ça, il fait mal au Québec et se déconsidère lui-même», conclut l’aspirant-chef.


Bernard Drainville sent les regards se tourner vers lui. Sept députés l’appuient maintenant à la direction du PQ : André Villeneuve a joint le clan Drainville, moins d’une semaine après Sylvain Gaudreault, le jeune loup du Saguenay. Depuis le débat de Trois-Rivières, on entend ici et là qu’il a «le vent dans les voiles». Pourra-t-il devancer Pierre Karl Péladeau d’ici à la mi-mai?

Qu’en pense le principal intéressé?
La course s’est resserrée, ça, c’est sûr.
Les sondages nationaux donnent toujours PKP gagnant, mais les vôtres?
Nos pointages ne visent que les militants et montrent que le nombre d’indécis a très nettement diminué et que nos appuis ont augmenté d’autant, ou presque. Ça va bien.
On dit qu’il y a une course pour le meilleur 2e?
« Je joue pour gagner, j’ai toujours joué pour gagner. »
Je joue pour gagner, j’ai toujours joué pour gagner. Je vise le meilleur résultat possible au 1er tour et, idéalement, j’aimerais gagner au 1er tour.
Vous croyez qu’il y aura deux tours?
Que ce soit au 1er ou au 2e tour, je me bats pour gagner. Il reste quatre débats officiels et celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean. On l’a vu à l’Université Laval, tout peut arriver...
Peut-on prévoir des alliances au 1er tour ou au 2e tour?
Si ça prend un 2e tour, on verra à ce moment-là. La question des alliances ne se pose pas pour le moment.
Mais vous comptez sur des alliances éventuelles?
Tu ne sais jamais ce qui peut arriver, mais tu ne peux pas compter sur les autres. Je reste positif et j’évite les attaques personnelles. Je ne veux pas gagner au détriment des autres, au détriment du parti. Il y a une course, mais il ne faut pas être trop égoïste.