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vendredi, avril 17, 2015

Couillard tire sur le détenteur du messager

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Éclaboussé par les médias de Québecor, le premier ministre se tourne vers PKP

17 avril 2015 | Robert Dutrisac - Correspondant parlementaire à Québec | Québec
Philippe Couillard a défendu son intégrité avec véhémence jeudi en Chambre, avant d’être applaudi par son caucus.
Photo: Jacques Boissinot
La Presse canadienne
Philippe Couillard a défendu son intégrité avec véhémence jeudi en Chambre, avant d’être applaudi par son caucus.
Excédé par les reportages des médias de Québecor sur le rôle qu’il a joué au sein de l’entreprise Amorfix Life Sciences, Philippe Couillard est passé à l’attaque jeudi en tirant sur le propriétaire du messager, Pierre Karl Péladeau.
 
Talonné par le chef de l’opposition officielle, Stéphane Bédard, qui lui demandait de reconnaître que des épargnants floués avaient manqué d’information de la part d’Amorfix dont il était le président du conseil d’administration, Philippe Couillard est sorti de ses gonds : « Avant de regarder la paille dans les yeux des autres, on regarde la poutre dans ses yeux à soi. Il a dans sa propre formation politique un membre de son caucus qui détient 40 % de l’empire médiatique le plus influent du Québec. Ça, c’est de la gouvernance à régler. »
 
« Il n’y a pas une société démocratique qui accepterait la situation de contrôle d’un empire médiatique de [cette] taille », a ajouté le premier ministre.
 
Mercredi, Philippe Couillard avait toutefois refusé de saisir la perche qu’un journaliste lui tendait en liant la couverture médiatique qui le visait et Pierre Karl Péladeau. « Vous m’amenez à dire que, parce qu’un de mes adversaires politiques aurait le contrôle, encore aujourd’hui, sur un groupe de média, ça aurait une influence sur les nouvelles qui sont rapportées. Je ne veux pas aller là parce que je me rendrais coupable moi-même de ce que je reproche à mes adversaires », avait-il dit.
 
Lors de son passage dans le milieu des affaires, Philippe Couillard a siégé au conseil d’administration d’Amorfix, une petite société de recherche pharmaceutique, à compter de 2009 pour en occuper la présidence de 2010 à 2012. L’actionnaire principal, Peter Hans Black, faisait aussi partie du conseil de la société. À titre de président de la firme de gestion de fortune Interinvest Global Asset Management, ce financier est accusé de détournement de fonds, il a fait l’objet de poursuites judiciaires de la part d’épargnants floués et il s’est vu imposer des amendes par l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui a révoqué le permis de la firme, selon une enquête des médias de Québecor.
 
Certains investisseurs poursuivent Peter Hans Black qui aurait touché une rémunération d’Amorfix alors qu’elle n’avait pas été dévoilée publiquement. « Est-ce que le premier ministre reconnaît qu’à la lumière des documents qui ont été déposés devant les autorités des marchés financiers à Toronto, que l’information qui leur était accessible ne permettait pas aux épargnants d’avoir une idée précise [des] avantages que retirait M. Black de sa participation au conseil d’administration et des activités d’Amorfix ? » a demandé Stéphane Bédard au premier ministre lors de la période de questions à l’Assemblée nationale. Courroucé, Philippe Couillard a bondi : « Ça suffit ! Ça suffit ! Ni mon intégrité ni celle de la compagnie Amorfix et de sa gouvernance ne sont en jeu. Ce sont des questions privées entre un membre du conseil d’administration [M. Black], sa compagnie [Interinvest] et ses clients. Ça n’a rien à voir. »
 
Quant aux paiements de l’ordre de 40 000 $ qu’Amorfix a faits au financier, ils visaient le remboursement de dépenses sur pièces justificatives, a répété Philippe Couillard.
 
Amalgames et démolition
 
« On parle ici de fraude, les épargnants ont été fraudés et ce qui est reproché, c’est qu’Amorfix a servi à frauder », a avancé Stéphane Bédard.
 
« Les épargnants qui se plaignent, c’est les clients d’Interinvest. Ce n’est pas Amorfix, ce n’est pas relié à Amorfix en aucune façon, et bien sûr encore moins à moi », a fait valoir le premier ministre.
 
Dans un point de presse mercredi, Philippe Couillard a dit qu’il faisait l’objet d’un « effort de démolition » politique à la suite de la diffusion de l’enquête par les médias de Québecor. Il s’est indigné des « amalgames », des « fausses associations » et de la « culpabilité par association » dans lesquels la couverture journalistique a versé, selon lui. Son association avec un financier à la réputation douteuse n’était pas sans rappeler ses liens avec un autre présumé fraudeur, Arthur Porter.
 
Dans ce point de presse, Philippe Couillard avait indiqué que les membres du conseil d’Amorfix n’étaient pas au courant d’enquêtes de l’AMF visant Peter Hans Black. Il s’est défendu d’avoir manqué de vigilance en n’effectuant pas de vérification sur les démêlés de M. Black. « Il faut être vigilant, mais il faut avoir des raisons pour déclencher ce genre de vérification. »
 
Une heure plus tard à l’Assemblée nationale, Philippe Couillard a révélé qu’il avait été question au conseil d’Amorfix d’un reportage de l’émission Enquête, de Radio-Canada, sur M. Black et une de ses clientes des Bermudes. C’était en 2009. « On a demandé à M. Black de nous expliquer la situation. Il a protesté avec force de son innocence disant que c’était des allégations sans fondement et que la chose serait réglée. Et il n’y a pas eu de suite à ça. » L’année suivante, Philippe Couillard acceptait la présidence du conseil d’Amorfix.